jeudi 4 juillet 2024 00:27

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

Le lancinant appel d’une mémoire partagée

Les participants à une rencontre sur la contribution du Maroc à la 2ème Guerre mondiale et la position du Sultan Sidi Mohammed Ben Youssef, qui s'est déroulée mercredi dernier à Rabat, ont mis l'accent sur le soutien apporté à la France dans la guerre qu’elle a menée pour se libérer du nazisme. Ils ont également rappelé que le sang vaillamment versé sur le champ d’honneur par les goumiers et autres tirailleurs, tabors et spahis marocains a irrigué une fraternité d’armes qui, par-delà les vicissitudes de l’Histoire, a permis de développer une mémoire commune et de conforter des relations communes à nulles autres pareilles.

Reconnaissables au croissant qui ornait leurs fanions, ces soldats d’élite que les Allemands appelaient "Hirondelles de la Mort" avaient inscrit certaines des pages les plus glorieuses du premier conflit mondial. De l’Ourcq à Soissons et de l’Aisne à Verdun, en passant par la Champagne et la Macédoine, ils prirent partie aux multiples campagnes qui, de la terre de France à la Bulgarie, décideront du sort du monde. 

S.M. Mohammed V, que le Général de Gaulle a fait Compagnon de la Libération, l’évoquera dans la lettre lue le 3 septembre 1939 dans toutes les mosquées du Royaume et par laquelle il a décidé l’entrée du Maroc en guerre aux côtés des Alliés. Après avoir noté que "le douloureux souvenir que la dernière guerre a laissé à tous n’est pas effacé de vos mémoires", le Père de la Nation rappellera que "la victoire a couronné les étendards de la France et de ses alliés, parmi lesquels le Maroc figure fièrement". "C’est aujourd’hui que la France prend les armes pour défendre son sol, son honneur, sa dignité, son avenir, et les nôtres, que nous devons être nous-mêmes fidèles aux principes de l’honneur de notre race, de notre Histoire et de notre religion", a ajouté le Souverain. 

Aussi, a poursuivi S.M. Mohammed V, "A partir de ce jour et jusqu’à ce que l’étendard de la France et de ses alliés soit couronné de gloire, nous lui devons un concours sans réserve, ne lui marchander aucune de nos ressources et ne reculer devant aucun sacrifice". "Nous étions liés à elle dans les temps de tranquillité et d’opulence et il est juste que nous soyons à ses côtés dans l’épreuve qu’elle traverse et d’où elle sortira, Nous en sommes convaincu, glorieuse et grande", a-t-il conclu.  
A titre de rappel, les troupes marocaines stationnées sur le territoire national en ces temps-là étaient composées de quatre régiments de tirailleurs (1er, 2ème, 4ème et 7ème RTM), de trois régiments de spahis (1er, 2ème et 3ème RSM), de deux régiments d’artillerie (les 63ème et 64ème), de deux bataillons de génie, de 25 compagnies du train et de 57 goums. Celles qui l’étaient en territoire français se composaient de quatre régiments de tirailleurs (3ème, 5ème, 6ème et 8ème RTM) et d’un régiment de spahis (4ème RSM). Soit 38.000 hommes au moment de la mobilisation de septembre 1939, que des centaines d’autres conscrits rejoindront par la suite. 

De 1939 à 1945, ils furent de tous les combats et vécurent l’humiliation de la défaite et l’ivresse de la victoire. De la campagne de 1939-1940 où le Blitzkrieg démontrera sa toute puissance, à celle de Tunisie (1942-1943), en passant par les campagnes d’Italie (1943-44), de France, d’Allemagne et d’Autriche, le sang marocain a balisé les chemins qui ont conduit à la défaite nazie. 

Cinq ans plus tôt, l’Armée française, défaite, s’était dispersée et désunie. Ceux qui ont choisi de continuer le combat se sont regroupés autour du Général de Gaulle pour lutter aux côtés des forces du Commonwealth britannique. Les autres, la grande majorité, ont décidé de demeurer dans la légalité et de servir la France non-occupée, en Afrique et au Levant. Le premier affrontement s’est produit en Syrie et au Liban. Les troupes de carrière du Général Dentz, assaillies par les Australiens et les Indiens, se battirent farouchement devant Beyrouth avant de s’opposer vigoureusement aux Français Libres au sud de Damas. Le deuxième choc a lieu sur les plages du Maroc et d’Oranie où des troupes américaines débarquèrent. Les combats parfois très meurtriers ont néanmoins cessé très vite et les Français reprirent enfin la lutte contre les troupes de l’Axe déferlant sur la Tunisie. Tandis que se déroulaient les opérations contre les forces germano-italiennes et que les soldats français acquirent le respect et l’estime des Alliés, le réarmement de la nouvelle Armée d’Afrique est entrepris. Des Etats-Unis arriva, par bateaux, le matériel moderne nécessaire. Chars, canons, véhicules, armement, habillement, postes-radio... affluèrent dans les ports d’Alger, d’Oran puis de Casablanca. Le Maroc s’est ainsi transformé en un immense camp d’entraînement où les régiments de spahis, de tirailleurs, de chasseurs et d’artillerie d’Afrique sont mis sur pied, manœuvrant et s’initiant au combat moderne. Les mauvais souvenirs de la malheureuse campagne de 1940 sont oubliés et chacun ne songe qu’aux batailles futures pour la Libération. La fusion des troupes d’Afrique du Nord et d’A.O.F. avec celles venues d’Egypte et du Tchad est alors théoriquement réalisée. Déjà certains de ces éléments, chasseurs du bataillon de choc, goumiers, spahis et tirailleurs marocains ont croisé le fer en Corse avec les Allemands. Ainsi, à la fin de 1943, une partie de la nouvelle armée d’Afrique, entièrement rééquipée à l’américaine, est prête à rejoindre l’Italie pour combattre dans les rangs de la 5ème Armée U.S. 

La suite peut être narrée comme une chronologie.

Vers la fin des hostilités, les troupes marocaines vivront au rythme des hauts faits d’armes qui ponctueront les campagnes d’Allemagne et d’Autriche ainsi que la guerre d’Indochine. Sur leur chemin, ils ont écrit certaines des pages les plus glorieuses de l’Histoire de la Libération dont les carrés musulmans des cimetières militaires ainsi que les multiples monuments et stèles commémoratives témoignent encore.

12 Octobre 2015, A.S

Source : Libération

Google+ Google+