Selon une étude de l’Agence française de développement sur le profil des migrants dans l’OCDE, beaucoup d’idées fausses circulent sur les migrations d’Afrique subsaharienne.
L’Agence française de développement (AFD) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) viennent de publier une vaste étude consacrée aux migrants, « Resserrer les liens avec les émigrants, le profil général des diasporas en 2015 »
Ce rapport compare essentiellement les données connues en 2000 à celles de 2010. À l’occasion de cette enquête, la question des migrations d’Afrique subsaharienne (ASS) a fait l’objet d’une communication propre de l’AFD. « Nous avons voulu déconstruire un certain nombre d’idées reçues sur le sujet », explique Rohen d’Aiglepierre, de l’AFD.
Mais, à bien lire ce rapport et à bien entendre leurs auteurs, toutes les idées reçues sur les migrations subsahariennes ne sont pas nécessairement fausses.
> La migration subsaharienne est importante par rapport aux autres
« Parmi les idées reçues les plus entendues aujourd’hui, analyse Théodora Xenogiani, de l’OCDE, la migration de l’Afrique subsaharienne serait importante et principalement à destination des pays riches. Or, ce n’est pas le cas. »
Selon les données des Nations unies pour 2013, sur les 232 millions de migrants, seuls 21 millions sont originaires d’Afrique subsaharienne, soit 9 %. Autrement dit, moins d’un migrant sur dix est né en Afrique subsaharienne.
> Cette migration est d’abord à destination des pays riches
« Non, répond Théodora Xenogiani. L’essentiel des migrations subsahariennes reste au sein même de l’Afrique ». Sur les 21 millions de migrants originaires de l’ASS, 14 millions sont installés dans un autre pays subsaharien, soit 75 %.
Cependant, lorsque la migration est à destination des pays riches, elle se concentre sur trois pays : les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. À eux trois, ils accueillent près de 60 % des émigrés africains dans la zone OCDE. « Cela tient aux liens historiques, linguistiques et familiaux entre les pays d’origine et les pays d’accueil », note Théodora Xenogiani.
> La migration subsaharienne en direction des pays de l’OCDE a fortement augmenté
Entre 2000 et 2010, le nombre de migrants originaires de l’ASS a effectivement augmenté de 75 %. Mais, tempèrent les spécialistes de l’AFD et de l’OCDE, la part de cette migration subsaharienne reste faible : 6 % des flux migratoires en 2012. « La majorité des migrants de l’OCDE viennent d’un autre pays de l’OCDE, nuance Théodora Xenogiani. Et 18 % sont issus d’Asie. »
> La migration subsaharienne est principalement masculine
Si cela était effectivement le cas dans les années 1980, ce n’est plus vrai aujourd’hui. La parité entre les hommes et les femmes est quasiment atteinte pour l’ensemble de la zone subsaharienne. « Cette féminisation est liée à un meilleur accès des femmes à l’éducation, à leur plus grande autonomisation », constate Nathalie Bougnoux, de l’AFD.
Cependant, il existe une grande disparité selon les régions en Afrique. Ainsi, la part des femmes dans les migrants originaires de la bande sahélo-saharienne tombe à un tiers.
> Les migrants de l’ASS sont principalement issus de l’Afrique francophone
Ce n’est pas le cas. Ils sont majoritairement issus de l’Afrique anglophone : en premier lieu, de l’Afrique du Sud et du Nigeria (plus de 500 000 migrants chacun). Dans le classement des pays de l’ASS les plus pourvoyeurs en migrants, le premier pays de l’Afrique francophone occupe la 6e place : il s’agit de la République Démocratique du Congo (plus de 300 000 migrants).
> Les migrants de l’ASS sont moins qualifiés que d’autres
Si la majorité de ces migrants ne sont pas qualifiés en effet, la part de ceux qui le sont est déjà importante et ne cesse d’augmenter. En 2010, ils étaient 36,6 % diplômés de l’enseignement supérieur. Et entre 2000 et 2010, leur proportion a quasiment doublé.
> Les migrations en provenance de l’ASS vont diminuer grâce au développement économique
Pas automatiquement et pas immédiatement. Il faut même s’attendre à une augmentation du phénomène. « Le développement permet à davantage de personnes de disposer des moyens pour migrer », rappelle Rohen d’Aiglepierre. Et de poursuivre : « C’est seulement à plus long terme, et à partir d’un certain niveau de richesse de la population, que le développement d’un pays s’accompagne d’une baisse de l’émigration. »
5/11/15 , LAURENT LARCHER
Source : la-croix.com