Terre promise de nombreux migrants, les pays d'Europe du Nord tendent désormais à tempérer leur générosité, tombant même dans la sous-enchère pour que les demandeurs d'asile s'installent plutôt chez le voisin.
Sous la pression de partis d'extrême droite ou populistes hostiles à l'immigration, parfois au pouvoir, le Danemark, la Norvège, la Finlande mais aussi la Suède, jusqu'alors particulièrement accueillante, sabrent dans les prestations aux nouveaux arrivants et durcissent leur politique d'asile.
L'objectif est de préserver les finances publiques du sacro-saint État-providence et, surtout, ne pas créer d'appel d'air.
"Il y a, semble-t-il, un certain degré de concurrence visant à ne pas offrir les prestations sociales les plus généreuses aux demandeurs d'asile", observe Asle Toje, spécialiste norvégien des relations internationales.
Beaucoup plus restrictif en matière d'immigration depuis la percée des populistes du Parti du peuple danois (DF) en 2001, le Danemark a ouvert le bal notamment en réduisant quasiment de moitié, à 5.945 couronnes (797 euros), l'allocation versée à un demandeur d'asile sans enfant.
Ces mesures semblent avoir eu les effets escomptés puisqu'en septembre, le nombre de demandes d'asile a légèrement reculé par rapport à l'année précédente. Elles atteignaient des records au même moment dans le reste de l'Europe.
Syriens, Afghans et Érythréens arrivent encore en masse au Danemark mais ne font qu'y passer, en route vers des terres jugées plus hospitalières.
"Nombre d'entre eux disent que les conditions sont bien meilleures dans d'autres pays comme la Suède. Et donc ils vont là-bas", se félicite Kristian Thulesen Dahl, le leader de DF.
Cet allié indispensable au gouvernement minoritaire libéral pèse de tout son poids pour tenter de rendre le pays encore moins attrayant.
Partis anti-immigration au créneau
Toutes deux dirigées par des gouvernements comprenant des formations populistes anti-immigration, la Norvège et la Finlande ont suivi le mouvement en décidant ou en envisageant de réduire leurs prestations sociales, durcir les conditions du regroupement familial et de la naturalisation, et restreindre les titres de séjour permanents.
"Il est clair que les pays nordiques ont des États-providence généreux mais nous devons nous demander si nous devons les partager avec ceux qui arrivent", note le secrétaire d'État norvégien à la Justice, Jøran Kallmyr, du Parti du progrès (droite populiste).
D'autant que le pays, îlot de prospérité grâce à ses hydrocarbures, n'est pas sûr de conserver son confortable train de vie avec la chute du prix du baril.
Même la très libérale Suède, qui a pourtant accueilli le plus de demandeurs d'asile par habitant - elle en attend 190.000 cette année pour une population de moins de 10 millions d'habitants, a décidé de se montrer moins généreuse.
Alors que l'ascension des Démocrates de Suède (extrême droite) traduit le ras-le-bol d'une partie de l'électorat, le royaume exige maintenant de ses partenaires européens la relocalisation de réfugiés et va durcir les conditions du regroupement familial.
"Les sociaux-démocrates (au pouvoir) redoutent de perdre des électeurs au profit des Démocrates de Suède hostiles à l'immigration, qui capitalisent sur la peur des gens d'une migration de masse", estime le politologue Magnus Hagevi.
"Nous avons déjà observé une série d'incendies criminels contre des sites d'accueil de réfugiés à travers la Suède et les gens sont inquiets du coût de l'immigration", ajoute-t-il.
Jouer sur les perceptions
Les pays nordiques tentent aussi de dissuader les candidats à l'exil en amont, via les médias. En septembre, le Danemark a acheté des encarts dans la presse libanaise dans l'espoir de décourager les Syriens.
"La façon dont la réglementation d'un pays est perçue est bien sûr importante", affirme M. Thulesen Dahl.
Norvège et Finlande ont essayé de faire passer le message sur Facebook, lieu privilégié pour s'informer avant de choisir une destination.
"Des trafiquants d'êtres humains diffusent des rumeurs sur les réseaux sociaux pour vendre des voyages en faisant croire qu'il faut partir pour l'Europe maintenant parce que les frontières sont ouvertes", indique M. Kallmyr. "Nous devons corriger ces rumeurs (...) et dire ce qui les attend: des aides diminuées, un regroupement familial difficile et beaucoup de demandes déboutées."
M. Toje, le chercheur, est circonspect. "Les réfugiés ne viennent pas ici principalement pour profiter de l'État-providence. Ils fuient des pays où il y a la guerre, des conflits et la misère. Alors, même si on réduit les prestations, je ne crois pas que cela débouche nécessairement sur une baisse du nombre de demandeurs d'asile."
07 nov. 2015,Pierre-Henry DESHAYES
Source : AFP