Certains pays et partis politiques européens n’ont pas tardé à faire l’amalgame entre les attentats de Paris et la crise des migrants. Le nouveau ministre des affaires européennes polonais, Konrad Szymanski, en a profité pour expliquer que le parti conservateur Droit et Justice (PIS) allait revenir sur la décision du gouvernement libéral sortant d’accueillir environ 7 500 réfugiés dans le cadre du plan européen de répartition.
« Après les événements tragiques de Paris, la Pologne ne voit pas de possibilité politique d’exécuter la décision de relocalisation de réfugiés », a écrit M. Szymanski, sur un site Internet conservateur. « Les attentats de Paris se sont produits dans le contexte direct de la crise migratoire et des bombardements français des positions de Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique] », explique cet ancien eurodéputé, considéré comme un modéré du PIS, qui fustige « la faiblesse de l’Europe ». Il a toutefois nuancé ses propos dans l’après-midi : « La Pologne accueillera des réfugiés s’il y a des garanties de sécurité, et ces dernières sont mises en question après les attentats de Paris. »
Le nouveau ministre des affaires étrangères, Witold Waszczykowski, ne s’embarrasse pas de nuances : « Nous devons atteindre la communauté musulmane, qui hait ce continent et qui veut le détruire. Nous devons aussi contrer les mouvements politiques de gauche qui considèrent qu’il faut sans cesse ouvrir nos frontières » a-t-il déclaré dans un entretien à la radio.
« Paris a tout changé »
En Allemagne, les attentats de Paris ont immédiatement relancé les débats qui animent la droite autour de l’accueil de migrants dans le pays. « L’époque de l’immigration incontrôlée et illégale ne peut pas continuer ainsi. Paris a tout changé », a affirmé le ministre des finances bavarois, Markus Söder (CSU), à l’hebdomadaire Die Welt am Sonntag. « On doit immédiatement clarifier qui vient dans notre pays, qui le traverse et s’y installe. Les règles de droit qui ne sont plus appliquées depuis plusieurs semaines doivent l’être à nouveau », a posté sur Facebook, Horst Seehofer, le ministre-président (CSU) de la Bavière.
Allié à la CDU d’Angela Merkel, la CSU critique depuis plusieurs semaines la politique d’accueil et d’ouverture pratiquée par la chancelière. La CSU voudrait notamment instaurer un quota maximum de réfugiés chaque année. Le ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière, a critiqué ces propos, en demandant à ce « que personne ne fasse le lien de manière précipitée avec la politique d’immigration ». Les sociaux-démocrates du SPD ont également appelé à éviter ce lien. « En tant qu’Etat de droit, en tant qu’Etat libre, nous sommes toujours vulnérables. Malgré cela nous voulons rester un pays et une société ouverts », a expliqué le leader du SPD, Sigmar Gabriel.
A la pointe de la lutte contre l’accueil de réfugiés, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a appelé à la retenue et à « partager la douleur » de ceux qui ont été frappés. Il a décrété un jour de deuil national dimanche, et le congrès du parti au pouvoir, le Fidesz, prévu le même jour, a été annulé. Le ministre des affaires étrangères hongrois, Peter Szijjarto, a quand même répété que « l’Europe doit changer son attitude ». La Hongrie a en effet incarné avec constance au sein de l’Union une ligne radicalement opposée à celle, jugée trop généreuse, de la chancelière allemande, Angela Merkel. En janvier, M. Orban n’avait pas hésité à établir, après les attentats contre Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher, un lien entre migrants musulmans et risques terroristes.
Les réactions sont également très prudentes en République tchèque, qui s’oppose à la politique européenne de répartition des réfugiés. La plupart des journaux mettent en garde contre la confusion et un déchaînement de haine envers les musulmans.
Vif débat en Grèce
En Grèce, principale porte d’entrée des migrants, le débat est vif entre ceux qui veulent lier les attaques à l’arrivée de milliers d’entre eux en Europe et ceux qui rappellent que la grande majorité des réfugiés sont les premiers à fuir ce terrorisme. Le gouvernement a reconnu, samedi, que le passeport syrien retrouvé près du Stade de France correspondait à une personne arrivée au début d’octobre sur l’île de Leros. Rien n’indique pour l’heure qu’il s’agisse de la pièce d’identité d’un des assaillants. « L’attaque islamiste terroriste de Paris est une menace directe pour la Grèce, où entrent chaque jour et sans contrôle des djihadistes criminels à cause de la politique traîtresse d’ouverture des frontières de ce gouvernement », a aussitôt déclaré le parti néonazi Aube dorée.
Le premier ministre, Alexis Tsipras, en appelle à la raison : « Nous avons la responsabilité d’apporter des solutions à la question migratoire, au drame des réfugiés qui mettent leur vie en danger en mer en essayant d’échapper à ces mêmes terroristes. Les terroristes auront gagné s’ils transforment l’Europe en une Europe forteresse au sein de laquelle vivraient des peuples pétris d’effroi. »
14 nov 2015, Service Europe
Source : lemonde.fr