Rétablissement des contrôles aux frontières, publicités pour dissuader les candidats à l'asile et réduction des allocations sociales: les pays nordiques affichent de plus en plus leur désarroi face à une pression migratoire record.
Destination particulièrement privilégiée des demandeurs d'asile en raison de ses conditions d'accueil des plus favorables, la Scandinavie ne semble plus en mesure de maintenir la politique de la porte ouverte.
De fait, la "terre de promesse" des réfugiés a plutôt envie d'endiguer les flux migratoires continus qui pèsent lourdement sur ses capacités d'accueil et crispent une opinion publique inquiète de devoir payer la facture, au moment où la droite populiste, surtout au Danemark et en Finlande, a réalisé une percée historique lors des dernières législatives.
"Je viens d'Irak, je suis passé par la Turquie, les Balkans, l'Allemagne et la Suède. Mes amis m'ont dit que la meilleure destination en Europe c'est la Scandinavie", a confié à la MAP Ahmed Hachim, un réfugié irakien récemment installé en Finlande.
En effet, la plupart des 27.000 demandeurs d'asile qui sont arrivés en Finlande cette année sont Irakiens. Encouragés par les critères d'asile relativement tolérants du pays et une communauté irakienne déjà existante, un grand nombre d'entre eux ont traversé toute la Suède jusqu'à Harapanda dans l'extrême nord-est, puis franchi à pied la frontière vers la ville limitrophe de Tornio.
Déçu, ce natif de la capitale irakienne a appris que les services finlandais de l'immigration avaient annoncé, en septembre dernier, que "toute personne venant de Bagdad ne peut pas être considérée comme courant personnellement le risque d'être victime de violence".
Sur les pas du Danemark et la Norvège, Helsinki entend réviser à la baisse les "généreuses" prestations sociales destinées aux nouveaux arrivants, fournir des titres de séjour provisoires et durcir les conditions du regroupement familial.
Cette volte-face intervient alors qu'une quatrième année de récession consécutive se profile à l'horizon, le "nouvel homme malade de l'Europe" éprouvant les pires difficultés à se réformer.
Arrivée aux limites de ses capacités, la Suède voisine a décidé la semaine dernière de rétablir les contrôles aux principaux points de passage sur son territoire, pour la première fois depuis l'entrée du royaume dans l'Union européenne et l'espace Schengen en 1995.
"Nous sommes le pays européen qui a pris la plus grande responsabilité dans cette crise des réfugiés. Il est temps que les autres pays en assument la leur", a insisté le ministre suédois de l'Intérieur, Anders Ygeman.
"La superpuissance humanitaire" a accueilli près de 80.000 réfugiés depuis septembre, selon l'Office des migrations qui prévoit jusqu'à 200.000 migrants en 2015, un record européen dans un pays de 9,7 millions d'habitants.
Débordée par les flots inédits de migrants, Stockholm a officiellement demandé à Bruxelles la relocalisation d'un certain nombre de demandeurs d'asile présents sur son territoire. Difficile de dire comment cette demande sera accueillie au vu de la situation très tendue qui règne au sein des Vingt-Huit sur ce dossier.
"La catastrophe des réfugiés", comme les médias locaux l'appellent, génère également depuis plusieurs mois un climat de haute tension dans plusieurs régions du pays, où des incendies se sont déclarés dans de multiples foyers de réfugiés dernièrement.
Au Danemark, le gouvernement minoritaire, qui dépend du soutien du Parti populaire danois, une formation de droite anti-immigration, a acheté des espaces publicitaires dans quatre journaux au Liban pour avertir les candidats à l'émigration qu'il avait durci les conditions d'installation sur son territoire.
La publicité informe ainsi que les allocations sociales accordées aux nouveaux arrivants ont été réduites jusqu'à 50 pc et que le rapprochement familial n'est pas autorisé durant la première année pour les détenteurs d'un permis de résidence temporaire.
Pis encore, les observateurs craignent que les attentats de Paris apportent de l'eau au moulin de la droite radicale anti-immigration, mettant en garde contre un amalgame entre réfugiés et terroristes.
"Aujourd'hui, il convient de sensibiliser au risque de généralisation, qui consiste à considérer tous les demandeurs d'asile comme des terroristes potentiels", prévient l'éditorialiste du journal finlandais Helsingin Sanomat.
Le quotidien de référence n'a pas manqué de rappeler les faucons de la droite qu'"une grande majorité des réfugiés ont fui justement pour échapper à la violence et sont par conséquent des victimes".
18 nov. 2015
Source : AFP