samedi 23 novembre 2024 17:48

Le Qatar envisage de limiter l'accès des migrants aux centres commerciaux

Les dizaines de milliers de travailleurs migrants présents au Qatar risquent de se voir restreindre l'accès aux plus grands centres commerciaux si le projet d'instituer un jour réservé aux familles voit le jour.

L'immense majorité des migrants, qui travaillent notamment sur les chantiers de la Coupe du monde de football de 2022, sont célibataires ou ont laissé leur famille dans leur pays d'origine, surtout en Asie.
Certains d'entre eux ont l'habitude de se retrouver dans les centres commerciaux, rares lieux publics climatisés, durant leur jour de repos hebdomadaire.

Mais ils pourraient être privés de cette distraction si le Conseil municipal central (CMC), unique organe directement élu dans l'émirat, appelait à instaurer un "jour pour la famille" dans les huit plus grands "malls" du riche émirat du Golfe.

Cette idée est déjà dénoncée comme "ségrégationniste" par des organisations de défense des droits de l'Homme.

En vertu du projet, qui sera discuté le 1er décembre au CMC, seules les familles seraient autorisées un jour du week-end --soit le vendredi, soit le samedi-- à pénétrer dans ces centres commerciaux.

Nasser ben Ibrahim Al-Mohannadi, membre du CMC qui défend la mesure, explique que la présence de migrants intimide les autochtones, en particulier les femmes.

"Le Qatar est une société fondée sur la famille, et les familles ont le droit d'avoir un jour uniquement pour elles", affirme-t-il à l'AFP. "Les centres commerciaux ne sont pas seulement des lieux où on achète. Ce sont aussi des lieux de distraction et de rassemblement pour les familles".

M. Mohannadi assure ainsi que les autochtones de sa ville, Al-Khor, à 50 kilomètres au nord de la capitale Doha, se plaignent du "nombre important" de migrants déambulant dans les "malls".

'Les familles souffrent'

Le "jour pour la famille", qui a déjà existé dans le passé avant d'être abandonné car il n'était pas appliqué, est également soutenu par Cheikha Al-Jufairi, l'une des deux femmes siégeant au CMC qui compte 29 membres.

"C'est une exigence absolument essentielle" car "les familles se plaignent" et "souffrent" de ne pouvoir "entrer dans les grands centres commerciaux le week-end en raison du nombre énorme de travailleurs".
Cette élue rejette toutefois toute discrimination car la mesure s'applique à "toutes les nationalités, y compris aux célibataires qataris".

Le CMC, qui n'a pas le pouvoir d'imposer l'interdiction, a sollicité l'intervention du ministère de l'Économie et du Commerce, dont un responsable doit participer à la discussion du 1er décembre.

Les centres commerciaux jouent un rôle central dans la vie de tous les jours au Qatar, en particulier pendant les mois chauds d'été où les températures dépassent les 40 degrés.

Ils sont notamment fréquentés par les 1,8 million de travailleurs étrangers, essentiellement venus d'Asie du sud, qui représentent 90% de la population du richissime pays arabe du Golfe.

Pour George, un travailleur ghanéen se promenant dans le City Central Mall de Doha, le nouveau projet est "une mauvaise nouvelle". "Vendredi, c'est le jour où je fais mes courses", explique cet homme, dont l'épouse et les deux enfants sont restés au pays. "Nous sommes traités comme des personnes de seconde classe".

'Ségrégation'

Des organisations de défense des droits de l'Homme mettent en garde contre les conséquences négatives du projet sur l'image du Qatar, déjà ternie par d'autres controverses liées notamment aux conditions de travail sur les chantiers du Mondial-2022.

"Cela ressemble à une discrimination furtive" et "aura certainement un effet préjudiciable", affirme Nicholas McGeehan, chercheur à Human Rights Watch. Il se dit "pas convaincu" par l'explication sur les familles et n'hésite pas à parler de "ségrégation".

"Quand vous faites face à tant de critiques sur la question des droits des travailleurs, pourquoi ajouter la discrimination raciale?", s'interroge-t-il.

La mesure viendrait s'ajouter à une carte récente du ministère de la Planification urbaine montrant quels lieux du Qatar, y compris de vastes secteurs de Doha, ont été désignés comme "zones interdites" pour la construction de logements destinés aux migrants.

25 nov. 2015,David HARDING et Ibrahim BADAWY

Source : AFP

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