Les incidents contre les musulmans ont, depuis les attentats de Paris, atteint "un niveau sans précédent" aux Etats-Unis, nourris par les virulents discours de certains républicains comme Donald Trump en pleine campagne présidentielle, selon la principale association américaine de défense des droits civiques des musulmans.
"C'est du jamais vu sur une période aussi courte", explique à l'AFP Ibrahim Hooper, porte-parole du Council on American-Islamic Relations (CAIR). Y compris, selon lui, après le 11-Septembre.
Depuis le 13 novembre, des dizaines d'incidents anti-musulmans ont été signalés dans tout le pays: coups de feu contre une mosquée de Meriden dans le Connecticut (nord-est), où le FBI participe à l'enquête; vandalisme contre un centre islamique de Pflugerville au Texas dont la porte a été couverte d'excréments, un acte que la police a qualifié de "crime de haine"; un graffiti d'une tour Eiffel en signe de la paix - symbole des attentats de Paris - a également été peint sur un centre islamique d'Omaha dans le Nebraska (centre).
Au Texas, où une demi-douzaine d'incidents ont été signalés, les lumières extérieures et la porte de verre d'une mosquée à Lubbock ont été brisées. A Corpus Christi, le centre islamique a reçu des menaces demandant à ses fidèles "de se convertir au christianisme avant qu'il ne soit trop tard", selon CAIR. A Irving, une manifestation devant un centre islamique a dénoncé "l'islamisation de l'Amérique". Et un homme en treillis a également été arrêté à San Antonio, selon la police, après être rentré dans une mosquée, insultant les fidèles qui priaient.
CAIR évoque aussi des coups de feu contre la maison d'un couple musulman à Orlando (Floride), une femme voilée traitée de "terroriste", et un chauffeur de taxi éthiopien chrétien, pris pour un musulman, apparemment frappé et menacé par un passager se disant armé à Charlotte (Caroline du Nord).
"Nous avons déjà eu des poussées de crimes haineux contre les musulmans, mais sur des périodes plus longues", explique M. Hooper.
"Il y en a eu beaucoup après le 11-Septembre, mais à l'époque, il y avait aussi beaucoup de soutien pour la communauté musulmane. On ne voit plus ça", ajoute-t-il.
-Banalisation-
Selon lui, la rhétorique anti-musulmans déjà constatée après l'attentat contre Charlie Hebdo s'est aggravée, nourrie par le discours politique extrême de certains candidats républicains à la Maison Blanche.
"Nous voyons la banalisation de la haine anti-musulmans par des gens comme Donald Trump ou Ben Carson. Cela donne un faux sens de légitimité à ceux qui voudraient perpétrer des crimes de haine", explique M. Hooper.
Et les dirigeants politiques "ne répondent pas, ne réagissent pas à cette poussée de haine anti-musulmans".
Le milliardaire Donald Trump, en tête des sondages dans le camp républicain, a récemment affirmé avoir vu les images de "milliers" de musulmans applaudissant l'effondrement des tours du World Trade Center le 11-Septembre, depuis l'Etat voisin du New Jersey. Il a ajouté qu'il envisagerait le fichage des musulmans, voire l'imposition d'une carte d'identité spéciale. Il s'est aussi dit hostile à l'accueil de réfugiés syriens, tout comme 30 gouverneurs des 50 Etats américains.
Le républicain Ben Carson a lui comparé les réfugiés syriens à des "chiens enragés".
Dans le contexte de la campagne présidentielle, "les attentats à Paris ont eu un impact très négatif sur la communauté musulmane", estime aussi l'imam du centre islamique de Jamaica dans le Queens à New York, Shamsi Ali.
"Les musulmans sont inquiets", dit-il à l'AFP. Il ne déplore pas d'incident, mais la mosquée a néanmoins demandé à la police de participer à la sécurité. L'imam se dit "très content" de la réponse.
"Cette rhétorique n'est pas américaine", dit-il. "Ce pays respecte les droits de chacun de vivre et pratiquer sa religion. Ce pays accueille les immigrants. Et les quelque 7 à 10 millions de musulmans "font partie intégrante des Etats-Unis. Notre loyauté à ce pays", insiste-t-il, "n'est pas inférieure à celle des autres".
25 nov. 2015,Brigitte DUSSEAU
Source : AFP