Les dirigeants européens et le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu sont réunis ce dimanche à Bruxelles dans l'espoir de signer un accord qui offrirait à Ankara des financements et une relance des négociations d'adhésion en échange de sa promesse de contribuer à endiguer le flot de migrants arrivant en Europe.
D'après des diplomates, les Vingt-Huit ont négocié toute la journée de samedi pour s'entendre sur une position commune. "Nous avons trouvé un accord qui, je l'espère, sera accepté par toutes les parties aujourd'hui", a dit le président du Conseil européen, Donald Tusk, à son arrivée au sommet.
Selon le projet de conclusion que Reuters a pu consulter en fin de matinée, "les deux parties vont, comme convenu et avec effet immédiat, mettre en oeuvre leur coopération active sur les migrants qui ne nécessitent pas une protection internationale, en empêchant les entrées en Turquie et dans l'UE, en assurant la mise en oeuvre des dispositions bilatérales de réadmission et en renvoyant rapidement les migrants qui ne nécessitent pas une protection internationale vers leurs pays d'origine".
En échange de son implication dans la plus grave crise migratoire en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement turc recevra trois milliards d'euros d'aide européenne pour financer la prise en charge des migrants se trouvant sur son territoire (ce montrant pourra être révisé ultérieurement en tenant compte des évolutions).
De même, Ankara obtient la réouverture dès le mois prochain d'un nouveau chapitre des négociations sur une adhésion de la Turquie, dans l'impasse depuis 2005.
A son arrivée à Bruxelles, Ahmet Davutoglu a salué un "jour historique dans notre processus d'accession à l'UE" et un "nouveau départ" dans les relations entre Ankara et les Européens.
"NE SOYONS PAS NAIFS"
Selon Donald Tusk, environ 1,5 million de personnes sont entrées illégalement dans l'UE en 2015.
La plupart ont transité par la Turquie, faisant de ce pays un partenaire indispensable et incontournable, au point que des diplomates européens se demandaient samedi soir si Ankara, conscient de son statut central dans ce dossier, ne produirait pas de nouvelles demandes.
"Les Turcs négocient toujours jusqu'à la dernière seconde. Pourquoi est-ce que ce devrait être différent cette fois-ci?", s'interrogeait ainsi un diplomate européen, notant que le président turc Recep Tayyip Erdogan n'a pas fait le déplacement de Bruxelles, envoyant son Premier ministre.
Quoi qu'il en soit, a mis en garde dimanche le président du Conseil européen, la Turquie ne détient pas seule la solution à la crise et un accord avec Ankara, a poursuivi Tusk, ne suffira pas à mettre un terme à la crise si l'UE ne parvient à contrôler fermement ses frontières extérieures. "Ne soyons pas naïfs, la Turquie n'est pas la seule clef pour résoudre la crise migratoire (...) Sans contrôle de nos frontières extérieures, Schengen appartiendra à l'histoire ancienne", a-t-il dit.
Entrés en vigueur en 1995 et progressivement étendus, les accords de Schengen ont supprimé les contrôles aux frontières intérieures et renforcé la coopération policière à 26 pays, dont 22 membres de l'Union européenne.
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Les mesures prises par l'UE ces derniers mois n'ont pas été très efficaces pour la gestion des flux de migrants. Et si l'hiver risque de réduire le nombre d'arrivants pendant quelques mois, il rend aussi les choses très difficiles pour les milliers de personnes coincées aux frontières fermées des pays des Balkans.
D'après le projet d'accord, les Européens prévoient de verser trois milliards d'euros à la Turquie pour les 12 à 24 mois prochains en souhaitant qu'Ankara utilise cette enveloppe pour améliorer le quotidien des 2,3 millions de Syriens réfugiés sur son sol de sorte qu'ils soient moins incités à s'embarquer pour la Grèce, pays de "première arrivée" dans l'UE.
L'UE veut aussi que le gouvernement turc rende la traversée de Turquie vers les îles grecques plus difficile et qu'il empêche d'entrer les Afghans et autres migrants asiatiques qui passent par la Turquie pour se rendre en Europe.
Bruxelles veut enfin que la Turquie tienne sa promesse de reprendre les migrants qui ont réussi à atteindre la Grèce mais qui ensuite ne réussissent pas à obtenir l'asile politique.
De son côté, la Turquie souhaite davantage de fonds. L'offre originelle de l'UE portait sur trois milliards d'euros sur deux ans. La nouvelle offre ne devrait plus comporter de calendrier précis parce qu'Ankara espère obtenir plus.
Si Ankara remplit ses obligations, les ressortissants turcs obtiendront plus facilement des visas pour se rendre en Europe.
29 novembre 2015, avec Robin Emmott…
Source : Reuters