samedi 23 novembre 2024 18:31

Pegida: Dresde s'inquiète pour sa réputation et son attractivité

Après plus d'un an de manifestations hebdomadaires aux accents xénophobes du mouvement Pegida, la ville de Dresde, son image entachée, s'inquiète de la baisse de la fréquentation touristique et craint pour l'attractivité de ses instituts scientifiques de renommée internationale.

"Le secteur touristique de Dresde traverse sa plus profonde crise depuis la réunification", s'émeut Johannes Lohmeyer, président de la fédération des professionnels du tourisme de la "Florence de l'Elbe".
"Certes, la situation n'est pas catastrophique" malgré quelques annulations notables "mais la baisse des réservations nous préoccupe", note ce Germano-Egyptien jovial qui a donc renforcé l'équipe marketing de son hôtel d'affaires.

A première vue, la situation semble pourtant normale sur le parvis de la Frauenkirche, joyau baroque de la capitale de la Saxe (est), où les touristes flânent sous un ciel maussade. Parmi eux, Birgit et Frank Rofalski, originaires de la région de Düsseldorf (ouest), se sont offert une escapade romantique pour fêter leurs noces d'argent.

La manifestation de Pegida qui se tiendra le soir même, comme chaque lundi, ne les a pas rebutés. "Nous avons demandé à notre hôtel de nous indiquer les rues à éviter", confient-ils, avant de poursuivre leur promenade dans la vieille ville, dévastée par les bombardements de 1945 et rénovée à grands frais après la réunification.

 Les nuitées en baisse

Les chiffres ont toutefois de quoi inquiéter, d'autant que Pegida, porté par la crise migratoire qui a vu des centaines de milliers de réfugiés affluer en Allemagne, attire toujours des milliers de manifestants scandant des slogans islamophobes.

Le nombre de nuitées entre janvier et septembre a reculé de 2,3% par rapport à la même période en 2014 à l'inverse des autres grandes villes allemandes. Le nombre de touristes allemands, qui représentent plus des trois-quarts du total, a lui chuté de 4,2%.

Pour Johannes Lohmeyer, cela s'explique surtout par "l'obsession des médias allemands pour Pegida" qui nuit injustement à la réputation de Dresde.

Le secteur espère toutefois que le célèbre marché de Noël, qui a ouvert fin novembre en grande pompe pour la 581e fois, infléchira la tendance.

"Les hôtels affichent complet pour les week-ends de décembre", se réjouit Bettina Bunge, présidente de Dresden Marketing, l'organisme public qui a lancé une campagne publicitaire intitulée "un hiver plus magique à Dresde" en Allemagne et en République tchèque voisine.

Mais le tourisme n'est pas le seul secteur à s'inquiéter. Car la ville la plus prospère de l'ancienne RDA ne s'enorgueillit pas seulement de ses monuments baroques, mais aussi de l'attractivité à l'étranger de ses instituts de recherche scientifique.

Le professeur Hans Müller-Steinhagen, directeur de l'Université technique de Dresde (TUD), l'une des 11 "universités d'excellence" d'Allemagne, se dit même très préoccupé.

 'Les candidats hésitent'

S'il n'a pas enregistré de départ précipité, il relève un réel problème de réputation.

"Avant, l'image de Dresde était clairement un atout à l'international; maintenant, nos confrères s'inquiètent pour nous jusqu'en Corée", se désole-t-il.

Si son institut compte tout de même 18% d'étudiants étrangers en licence ou master, contre 16% en 2014, "un nombre croissant de candidats hésitent" avant de venir, notamment en doctorat.

Pourtant "la TUD a pris position à maintes reprises contre Pegida", assure-t-il, rappelant, une pointe de lassitude dans la voix, que sur le demi-million d'habitants, "99% ne manifestent pas avec Pegida".

Installée depuis six ans à Dresde, la biologiste mexicaine Tatiana Sandoval-Guzmán veut aussi souligner des aspects positifs, tout en reconnaissant être "plus sensible aux discours xénophobes" compte tenu de la longévité du mouvement islamophobe.

"En réalité, je suis épatée par la réaction des habitants de Dresde face à Pegida", s'enthousiasme-t-elle, évoquant des initiatives en faveur des migrants "plus concrètes que de simples contre-manifestations".
C'est précisément le visage que veut montrer Dresden Marketing. "Nous parviendrons à redorer notre blason, mais cela prendra du temps", affirme Karla Kallauch, sa porte-parole.

La célèbre Semperoper, l'opéra devant lequel Pegida se rassemble, y a aussi mis du sien, dressant en octobre lors de la manifestation célébrant le premier anniversaire du mouvement un écran géant barré du slogan "Nous ne sommes pas une scène pour le racisme".

1er dec. 2015,jean-michel hauteville

Source : AFP

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