Entretien avec Fatima Yadani, candidate aux élections régionales à Paris sur les listes de Claude Bartolone, membre du Bureau National du Parti Socialiste, animatrice des Amis de Martine Aubry à Paris, cadre supérieure dans un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) qui s’occupe d’assainissement, issue de la diversité.
Pourquoi vous êtes-vous portée candidate aux élections régionales ?
Après avoir été en charge de l’égalité et de la jeunesse à la Mairie du 13ème où le suis élue, je souhaite désormais avoir en charge des dossiers en relation avec les compétences régionales. La formation professionnelle, le développement économique ou encore les transports.
Les Français se désintéressent des élections régionales. Que leur dites-vous pour aller voter ?
Le droit de vote est fondamental, cela permet de manifester son intérêt pour la vie en collectivité. L’enjeu pour la gauche, c’est de mobiliser tous ces abstentionnistes qui font d’habitude partie de son électorat mais qui ont été déçus par le gouvernement actuel. Il faut aller voter si l’on ne veut pas se retrouver face à une montée de l’extrême droite. L’enjeu est de taille : préserver et développer des politiques audacieuses pour le logement, les transports, ou encore la culture.
Comment analysez-vous la montée du Front National qui touche même désormais l’Ile de France, plutôt préservée ces dernières années ?
D’après les sondages, le candidat de Marine Le Pen arriverait en troisième position aux élections régionales en Ile-de-France. Nous n’échappons donc plus à la montée de l’extrême droite. Ensuite, comme je le disais, notre vrai ennemi, c’est l’abstention, car c’est cette dernière qui fait augmenter fortement les résultats du Front National, plus en pourcentage qu’en nombre de voix. Je crois aussi que beaucoup de gens votent pour le Front National par simple ras-le-bol, sans se rendre compte nécessairement de ce qu’ils perdraient eux-mêmes à voir le FN l’emporter.
Si l’on en croit les sondages, la liste conduite par Valérie Pécresse (Les Républicains) serait assez largement en tête par rapport à la liste conduite par Claude Bartolone (candidat socialiste). Comment inverser la tendance dans les derniers jours de la campagne ?
Je pense qu’il y a une vraie différence entre le programme défendu par la liste socialiste et celui de la liste des Républicains. Un des points clé, ce sont les budgets accordés aux transports, à la culture, à la formation professionnelle, qui diminuent à chaque fois que la droite arrive au pouvoir.
Que pensez-vous du fait que, au vu des listes en présence département par département, la liste de Claude Bartolone soit peut-être moins représentative de la diversité culturelle que celle de Valérie Pécresse ?
Le slogan de Claude Bartolone, c’est : « une Ile-de-France humaine ». Je regrette effectivement le fait que sa liste ne soit pas plus à l’image de la diversité de la région, aussi bien la diversité professionnelle que la diversité culturelle. De façon générale, je déplore cet entre-soi politique qui caractérise souvent le choix des candidats présentés à une élection et c’est ce que les français déplorent.
Ce qui compte avant tout, ce sont les convictions des candidats. Ceux qui sont issus de la diversité culturelle ne souhaitent pas être choisis pour colorer les affiches mais pour leur choix politiques et pour leur militantisme. Il faut en finir avec cette dimension cosmétique qu’on a trop souvent voulu donner à ces candidats emblématiques.
Vous êtes l’animatrice des « Amis de Martine Aubry » à Paris. Où en sont les relations entre les « aubryistes » et la majorité gouvernementale ?
Les « aubryistes » n’ont aucun problème avec la majorité gouvernementale, notamment avec le président François Hollande. Pendant le Congrès du Parti Socialiste à Poitiers, Martine Aubry a réaffirmé la priorité de la gauche selon elle : être à nouveau au pouvoir en 2017 avec comme unique candidat François Hollande. Les tensions au sein du Parti socialiste portent moins sur les personnes que sur les lignes politiques : nous sommes en désaccord avec celle, ultralibérale, de Manuel Valls. Mais nous ne croyons pas que François Hollande se soit rangé complètement aux opinions de l’actuel Premier Ministre. Grosso modo, François Hollande fait le lien entre ces deux tendances, celle de Valls et celle de Martine Aubry.
Lors des élections primaires en 2010, Martine Aubry avait défendu une « société du care », une société « du bien-être et du respect qui prend soin de chacun ». Pensez-vous que l’on retrouve aujourd’hui cette ambition dans la politique du gouvernement ?
Pas suffisamment. Cette « société du care » pourrait être un élément important dans la ligne politique gouvernementale, surtout en ces temps de crise sociale persistante.
Auriez-vous voté l’état d’urgence et sa prolongation pendant trois mois si vous étiez parlementaire ?
Je n’aurais peut-être pas voté pour dans un autre contexte, mais après les attentats du 13 novembre, il me semble qu’on ne pouvait pas faire autrement : il est important de se donner les moyens de résoudre cette crise rapidement, tout en maintenant certains garde-fous.
Vous travaillez dans un établissement public qui s’occupe d’assainissement. Pour vous, quel sont les enjeux de la COP21 en Ile-de-France ?
Un des enjeux majeurs, c’est de permettre que la température n’augmente au-delà d’un certain niveau et ne provoque de catastrophes naturelles dans les quatre coins du monde. Il s’agit collectivement de prendre ces responsabilités pour éviter que cela ne puisse se produire et donc obtenir un accord avec l’ensemble des pays dans cet objectif.
Comment définiriez-vous la laïcité ?
La laïcité, c’est selon moi avant tout le respect entre les individus, qu’ils soient croyants ou athées, musulmans, chrétiens, juifs ou d’autres confessions : les convictions religieuses doivent rester dans la sphère privée. Mais dans le même temps, il s’agit aussi de permettre aux croyants de pratiquer leur foi de manière digne.
Le respect des convictions religieuses de chacun ne doit pas nécessairement s’inscrire en contradiction avec la laïcité qui est l’un des fondements du vivre ensemble. Mais, selon nous, il y a des solutions pratiques à de nombreuses tensions que d’aucuns voudraient exacerber : par exemple, dans les cantines, au lieu de débattre d’un repas casher ou hallal, on pourrait tout simplement mettre en place un repas végétarien, ce qui arrangerait tous les enfants et éviterait une stigmatisation de ceux dont le régime alimentaire est différent pour des raisons sanitaires, religieuses ou autres.
Vous êtes d’origine marocaine, quel regard portez-vous sur les relations entre la France et le Maroc ?
Les relations entre la France et le Maroc sont fondamentales des points de vue économique, social et culturel. Je ne donnerai qu’un exemple de ce partenariat économique privilégié : le dernier en date est l’installation de la plus grande usine Renault dans le continent africain à Tanger.
2 décembre 201, Michel Taube
Source : opinion-internationale