L'Union européenne va pratiquement tripler en l'espace de cinq ans le budget alloué à la surveillance de ses frontières, assurée par une nouvelle Agence européenne de gardes-côtes et des frontières, en vertu de propositions détaillées mardi à Bruxelles pour faire face à la crise des migrants.
Si sa création est entérinée par les Etats membres de l'UE, la nouvelle agence remplacera l'agence actuelle, Frontex, et disposera de prérogatives élargies, parmi lesquelles l'entretien d'une force de réaction rapidement mobilisable, composée de 1.500 hommes. Son budget annuel, fixé à 114 millions d'euros pour 2015, augmentera jusqu'à atteindre 322 millions d'euros à l'horizon 2020.
Dans ses propositions, la Commission européenne suggère d'être habilitée à déployer la force de réaction rapide sans avoir besoin du feu vert de l'Etat dont le territoire est concerné, idée qui se heurte à la résistance de certains pays et que beaucoup jugent difficile à mettre en pratique.
L'objectif de Bruxelles est de renforcer les contrôles aux frontières face à la crise migratoire sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale que l'Europe subit cette année.
Selon les dernières données de l'agence européenne de statistiques Eurostat, quelque 812.000 personnes ont demandé l'asile dans l'UE sur les trois premiers trimestres de l'année en cours. A ce rythme, le total de demandes d'asile atteindra le million d'ici la fin de l'année.
L'initiative vise particulièrement la Grèce, en première ligne sur la frontière sud-est de l'espace Schengen, où les pouvoirs publics peinent à gérer les arrivées massives de migrants et de réfugiés (au moins 700.000 depuis le début de l'année d'après Frontex).
L'Agence européenne serait habilitée à "intervenir immédiatement dans les situations de crise" et à déployer des gardes-frontières en piochant dans une "réserve" de 1.500 agents mobilisables en quelques jours.
Les responsables européens ont souligné cependant que les Etats pourraient s'opposer à un tel déploiement si une majorité de pays de l'UE votaient contre.
"Nous ne nous substituons pas à la responsabilité des Etats et surtout pas à leur souveraineté", a déclaré le commissaire européen aux Migrations et Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, devant le parlement européen.
APPORTER DES "REPONSES COMMUNES"
"Ce que nous créons aujourd'hui, c'est plus d'Europe", a-t-il dit. "Pour gérer nos frontières extérieures, pour accroître les renvois de migrants en situation irrégulière, pour permettre à notre politique d'asile de fonctionner correctement et pour renforcer les contrôles sur nos frontières extérieures", a-t-il expliqué.
Le budget de Frontex a déjà été augmenté à trois reprises cette année, et s'élèvera à 143 millions d'euros pour 2015. Il passera à 238 millions d'euros pour 2016.
Les effectifs actuels de Frontex, qui servent à coordonner les agences nationales des frontières, sont de l'ordre de 400 personnes.
Ces effectifs - dans le cadre de l'éventuelle future agence - devraient plus que doubler pour atteindre 1.000 d'ici 2020, dont des agents sur le terrain. En plus, les pays membres devraient prévoir un ensemble de 1.500 hommes mobilisables en quelques jours.
Le nouvel organisme comporterait un département chargé d'accélérer les expulsions des migrants qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir l'asile.
Les propositions présentées mardi pourraient être discutées par les dirigeants européens lors du sommet européen de jeudi vendredi à Bruxelles.
Les propositions se heurtent d'ores et déjà aux vives réticences de certains, ce que ne nie pas le premier vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans.
"Il y a beaucoup de discussions sur le fait qu'on imposerait notre volonté aux Etats membres", a-t-il reconnu devant la presse. "Il s'agit d'un filet de sécurité. La majeure partie des Etats membres accepteront l'aide avec joie".
Pour le député grec Notis Marias: "Les propositions prévoient d'introduire en douce des atteintes à notre souveraineté. Nous ne soutiendrons pas ça du tout!"
Au contraire, pour Esteban Gonzalez Pons, homme politique conservateur espagnol, il importe de renforcer les frontières extérieures de l'Union.
"Si les frontières extérieures ne sont pas sûres, les frontières intérieures seront rétablies", dit-il. "Si nous avons des problèmes communs, nous devons y apporter des réponses communes."
15 déc. 2015, Gabriela Baczynska et Alissa de Carbonnel
Source : Reuters