La Suède et le Danemark ont dressé lundi de nouveaux obstacles sur la route des migrants cherchant à obtenir l'asile dans ces pays prospères de l'Union européenne, s'attirant les critiques de l'Allemagne pour qui Schengen est "en danger".
Pour la première fois depuis l'accord signé il y a un demi-siècle pour garantir la libre circulation des personnes entre les pays nordiques, la Suède impose pour entrer sur son territoire la présentation d'une pièce d'identité à tous les voyageurs arrivant du Danemark, lequel a aussitôt réagi en instaurant des contrôles à la frontière allemande.
"Nous faisons cela pour éviter une situation problématique qui ne nous permettrait plus d'accueillir les demandeurs d'asile dans de bonnes conditions", a justifié le ministre suédois de l'Immigration, Morgan Johansson, dont le pays est celui de l'UE ayant accueilli le plus grand nombre de migrants en 2015 par rapport à sa populaion.
L'Allemagne, qui a pour sa part reçu plus d'un million de réfugiés l'an dernier, a rappelé par la voix de son ministère des Affaires étrangères que "la libre circulation est un bien précieux" au sein de l'Union européenne.
L'accord de Schengen la régissant "est très important mais est en danger", a déclaré le porte-parole du ministre Frank-Walter Steinmeier, Martin Schäfer. Une dizaine d'États membres ont rétabli à divers degrés les contrôles à leurs frontières, érigeant même pour certains (Hongrie, Slovénie) des clôtures antimigrants.
Les traités européens permettent le rétablissement des contrôles aux frontières en cas exceptionnel, même si cela affaiblit considérablement les accords de Schengen entrés en vigueur en 1995.
L'Allemagne elle-même a rétabli des contrôles à sa frontière avec l'Autriche en septembre.
'Contrôles fluides'
Confrontée à un afflux inédit de réfugiés depuis les guerres des Balkans dans les années 1990, la Suède avait réinstauré le 12 novembre des contrôles aléatoires sur deux "autoroutes" de l'immigration, le pont-tunnel de l'Öresund reliant le Danemark à la Suède, et les ferries en provenance des ports danois et allemands de la mer Baltique.
L'effet a été immédiat, avec une baisse spectaculaire des demandes d'asile. Mais le gouvernement de gauche estime que cela ne suffit pas et jusqu'à nouvel ordre, ces contrôles seront systématiques.
Au risque de froisser son voisin scandinave, Stockholm impose aux compagnies de trains et d'autocars qui empruntent le pont de l'Öresund de vérifier les identités avant embarquement, côté danois, sous peine d'amendes.
Les contrôles s'effectuent en gare de Kastrup, située dans l'aéroport de Copenhague, d'où partent la grande majorité des réfugiés désireux de se rendre en Suède.
La première journée s'est déroulée sans incident malgré l'agacement des personnes qui font la navette quotidiennement entre Copenhague et la troisième ville suédoise, Malmö.
"Nous avons besoin de contrôles (à nos frontières), mais ils doivent être fluides", estimait Marten Jegenstam, consultant danois de 41 ans qui travaille en Suède.
Syriens débarqués du train
Copenhague, qui a accueilli quelque 21.000 migrants l'an dernier, huit fois moins que la Suède, craint maintenant que les migrants refoulés par Stockholm ne restent sur son territoire, et sa réaction ne s'est pas fait attendre.
Le Premier ministre Lars Løkke Rasmussen a annoncé à la mi-journée, avec effet immédiat, un rétablissement des contrôles aléatoires aux frontières avec l'Allemagne.
"Il est manifeste que l'UE n'est pas capable de protéger ses frontières extérieures", a justifié le chef de gouvernement libéral, dont la majorité dépend au Parlement du Parti populaire danois (DF), formation anti-immigration.
En gare de Padborg (sud), une vingtaine de Syriens, dont plusieurs enfants, ont ainsi dû descendre du train lundi soir alors qu'ils souhaitaient se rendre en Suède, a constaté un journaliste de l'AFP.
Des policiers les ont escortés et leur ont expliqué, via un interprète, les nouvelles règles en vigueur: soit ils demandent l'asile au Danemark, soit ils sont refoulés.
"Ils voulaient tous se rendre en Suède mais nous leur avons dit que c'était impossible", a expliqué un policier à l'AFP, tandis que le petit groupe était conduit au commissariat.
Au point de passage entre Flensburg, côté allemand, et Kruså, côté danois, des policiers vêtus de chasubles fluorescents arrêtaient les véhicules pour vérifier les identités. "Tout se passe dans le calme", a assuré l'un d'eux.
Torsten Albig, le ministre-président de l'Etat régional allemande du Schleswig-Holstein, limitrophe du Danemark, a regretté la décision de Copenhague, susceptible selon lui de "pénaliser les travailleurs transfrontaliers".
Depuis début septembre, 91.000 migrants ont franchi la frontière dano-allemande, dont 13.000 ont demandé asile au Danemark, selon M. Rasmussen.
5 jan 2016,Sören BILLING
Source : AFP