Décès, violences, arrestations et refoulements semblent le quotidien des migrants dans les régions de Tétouan et celles proches de Sebta et Mellilia.
Pas plus tard que le 4 janvier dernier, trois migrants ont trouvé la mort et 200 autres ont été arrêtés alors que 20 personnes ont été transférées aux hôpitaux de Fnideq et M’diq pour recevoir les soins nécessaires suite à une tentative de franchissement des barrières séparant le Maroc de ses présides occupés. Deux hommes et une femme auraient subi une opération chirurgicale vu la gravité de leurs blessures. Même les 17 personnes qui ont réussi à franchir la clôture n’ont pas été épargnées puisqu’elles ont été refoulées à chaud vers le Maroc.
Un scénario à l’identique de celui du 25 décembre dernier qui a enregistré trois décès et 19 blessés dont trois dans un état grave après une tentative de 185 Subsahariens d’escalader les barrières. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés et refoulés vers Agadir et Tiznit.
Selon un communiqué de l’Association Mains solidaires, ce durcissement de ton date d’octobre dernier lorsque les autorités ont procédé à des opérations de ratissage qui se sont soldées par des arrestations et des refoulements forcés vers l’intérieur du pays. Des mesures qui ont concerné même les migrants réguliers au motif que ces derniers doivent rester dans les villes où ils ont reçu leur carte de résidence.
«Les opérations d’arrestations et de refoulements forcés vers l’intérieur du pays sont de plus en plus fréquentes depuis octobre dernier. Tous les 10 jours, on assiste à de telles opérations », nous a indiqué Hassan Ammari, expert en question migratoire. Et de préciser : «Nador, Fnideq, Mellilia et Tanger sont devenus des lieux de transit vers des villes comme Fès, Meknès, Agadir et Tiznit ».
Comment peut-on expliquer cette situation ? « Il ne peut y avoir qu’une seule explication. Le Maroc a certainement signé des accords l’obligeant à réagir ainsi. Il n’y aurait pas un tel agissement de la part du Royaume s’il n’y avait pas entente avec l’Espagne», nous a expliqué notre source. Une position qui semble contre-productive à long terme, selon Hassan Ammari. D’après lui, le Maroc agit dans l’intérêt de l’Espagne mais risque trop en termes d’image comme pays où l’on respecte les droits de l’Homme. « L’Espagne est la grande gagnante mais pas autant pour notre pays puisque les projecteurs sont de plus en plus braqués sur son respect des droits de l’Homme en matière de migration. Le rappel fait par Nils Muznieks, commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe qui a demandé plus de respect des droits des migrants, en dit long sur ce respect », nous a déclaré notre source. Et d’ajouter : « Ceci d’autant plus que les opérations d’arrestations et de refoulements vers l’intérieur du pays n’ont rien d’efficace puisque les mêmes personnes expulsées reviennent sur les lieux 48 heures plus tard ».
Une mauvaise passe que Human Rights Watch a déjà soulevée en 2014. L’ONG a appelé les autorités espagnoles et marocaines à mettre en place des procédures afin de protéger les droits des migrants et de bannir les expulsions sommaires aux frontières. «L’expulsion de personnes hors des frontières, sans procédure régulière, ni recherche de protection, viole les lois espagnole, européenne et internationale», a expliqué Judith Sunderland, chercheuse senior pour l’Europe occidentale à Human Rights Watch. « D’autant plus que les migrants renvoyés de force au Maroc doivent faire face à des actes de violence et à d’autres abus pratiqués par les forces de sécurité marocaines», a-t-elle ajouté.
« Les mesures espagnoles visent à sécuriser leurs frontières avec le Maroc mais la situation risque de devenir plus tendue suite aux pressions européennes pour que le Maroc signe l’accord de réadmission. Et du coup, beaucoup de vigilance s’impose de la part des autorités marocaines », a conclu Hassan Ammari.
8 Janvier 2015, Hassan Bentaleb
Source : Libération