Angela Merkel a insisté mardi sur la nécessité de respecter les valeurs communes de l'Allemagne alors que l'émoi lié aux agressions du Nouvel An à Cologne et attribuées à des Nord-Africains tourne au débat sur l'intégration.
La police a affirmé jeudi avoir identifié "seize suspects" et enregistré 121 plaintes après ces dizaines d'agressions de femmes survenues la nuit du Nouvel An à Cologne (ouest) qui ont profondément choqué l'Allemagne.
Les enquêteurs ont "identifié 16 jeunes hommes (...) en grande partie originaires d'Afrique du Nord" qui "pourraient" être impliqués dans les faits, indique dans un communiqué la police locale, qui ne parle pas en revanche d'interpellations.
Après avoir fait part de son indignation mardi alors que l'affaire commençait à prendre de l'ampleur, la chancelière s'est publiquement exprimée jeudi, interrogée à l'occasion d'un point de presse conjoint avec le Premier ministre roumain.
"Nous devons sans cesse évoquer les fondements culturels de notre vie en commun", a-t-elle estimé, jugeant que les incidents du Nouvel An posaient de "très sérieuses questions qui vont au-delà de Cologne".
Ces incidents sont-ils liés à "des modèles de comportement collectifs" particuliers ? "Y-a-t-il quelque chose de l'ordre de la misogynie ?", s'est interrogée Mme Merkel.
"Les citoyennes et citoyens ont le droit d'avoir des réponses et en tant qu'institution d'Etat, nous avons le devoir de les leur fournir", a-t-elle déclaré, ajoutant: "nous devons nous confronter à tout ça avec détermination".
Alors qu'aucune arrestation n'a eu lieu et qu'aucun élément ne permet d'affirmer que des réfugiés se trouvaient parmi les agresseurs du Nouvel An, le débat politique et médiatique lié aux incidents s'est rapidement focalisé sur l'origine des auteurs des faits et sur les risques pour la cohésion nationale que ferait peser l'afflux massif des réfugiés sur le territoire.
"Dans le cas des personnes issues de l'immigration, il y a certes un patient travail d'intégration à mener mais il faut aussi des règles claires, si nécessaire des sanctions et dans le cas de potentiels délits, naturellement toute la rigueur de la justice et de la dissuasion", a par exemple plaidé Julia Klöckner, la vice-présidente du parti conservateur de Mme Merkel, la CDU, dans une interview au quotidien Die Welt.
'scandale de la Saint-Sylvestre'
Le parti populiste Alternative für Deutschland (AfD) qui surfe sur l'inquiétude grandissante d'une partie de l'opinion face à la vague de réfugiés, profite de ce que certains médias ont baptisé "le scandale de la Saint-Sylvestre" pour alimenter son discours anti-migrants.
Jörg Meuthen, porte-parole adjoint du parti, estime que "les migrants qui (...) n'ont visiblement aucun scrupule ou mauvaise conscience à s'en prendre à des femmes sont très dangereux et démontrent leur absence de volonté d'intégration".
De l'autre côté de l'échiquier politique, mais dans des termes évidemment différents, ce thème fait également florès: les Verts demandent la création d'un Ministère pour l'intégration des réfugiés.
"L'année 2016 va apporter de premières réponses à la question de savoir si l'intégration fonctionne", a jugé la responsable du groupe des Verts au Bundestag, Katrin Göring-Eckardt dont le parti demande une enveloppe supplémentaire de 20 milliards d'euros sur cinq ans.
Lors de ses voeux du Nouvel An, Angela Merkel s'était dite convaincue que l'arrivée massive des réfugiés dans son pays constituait une "chance".
L'Allemagne a accueilli 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015, a annoncé mercredi l'Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF), ce qui représente cinq fois plus de demandes que par rapport à 2014.
Les agressions de Cologne ont un écho qui entretemps dépasse l'Allemagne. Le Premier ministre slovaque, très anti-migrants, y a vu une raison supplémentaire pour ne pas laisser s'installer "une communauté musulmane" dans son pays. La police de Zürich de son côté a fait aussi état de "plusieurs" plaintes pour agressions sexuelles le soir de la Saint-Sylvestre dans la ville.
7 jan 2016,Eloi ROUYER
Source : AFP