Le pape François a axé son discours pour les vœux au corps diplomatique, lundi 11 janvier, sur la question migratoire.
L’analyse du pape s’est accompagnée d’un appel à l’Europe à « trouver le juste équilibre » entre accueil des migrants et protection des citoyens.
L’équilibre doit aussi être recherché entre le devoir de l’immigré à l’égard de la communauté qui l’accueille et l’ouverture culturelle de cette dernière.
Les vœux du pape François au corps diplomatique, lundi 11 janvier, ont été l’occasion d’un long discours sur « la grave urgence migratoire ». Une question d’actualité mais à laquelle le pape sensibilise l’opinion depuis le début de son pontificat et qu’il a traitée hier dans toute sa complexité, sans solution unique ou slogan simplificateur.
C’est à une réponse tout en équilibre qu’il a appelé, sans taire « le cri de tous ceux qui sont contraints de fuir pour éviter les barbaries indicibles pratiquées envers des personnes sans défense ». Comme « le martyre pour la seule appartenance religieuse », dont il s’est de nouveau alarmé, répétant qu’« on ne peut jamais tuer au nom de Dieu » au cours de son discours lu debout, en italien, devant une assistance représentant les 180 États avec lesquels le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques.
La faim, les trafics, le changement climatique
Mais les persécutions religieuses ne sont qu’une pièce d’un puzzle complexe de mouvements migratoires, alimentés aussi, comme il l’a rappelé, par la faim, les trafics ou encore le changement climatique, et plus souvent subis que voulus par les migrants eux-mêmes. « Les migrations constitueront un élément fondamental de l’avenir du monde plus qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent », a prévenu le pape.
D’où le besoin d’une réponse complète et coordonnée à l’échelle mondiale. « On ne peut pas penser à des solutions poursuivies de façon individualiste par chaque État car les conséquences des choix de chacun retombent inévitablement sur la communauté internationale tout entière », a-t-il déploré. Une allusion, par exemple, à l’attitude de la Hongrie qui a érigé un mur contre l’arrivée de migrants, déviés ainsi vers les pays voisins. « Les murs ne sont jamais des solutions », avait déclaré le pape François en septembre, en réponse à une question sur la crise des réfugiés en Europe.
Le pape a remercié l’Italie pour les vies sauvées en Méditerranée
Même lorsqu’elle est mieux coordonnée, le Saint-Siège ne nie pas la difficulté de la réponse à élaborer. En particulier en Europe, où la question se pose actuellement avec le plus d’acuité, comme en Allemagne et en Suède. Le “ministre des affaires étrangères” du pape François, Mgr Paul Gallagher, s’était montré compréhensif, lors d’une soirée-débat organisée à Rome avec La Croix en décembre 2015, reconnaissant que les capacités d’accueil varient d’un pays européen à l’autre selon les traditions de chacun. Lundi, le pape a pris soin d’éviter de culpabiliser trop directement le continent européen sur ses manquements. Il a même de nouveau remercié l’Italie pour les vies sauvées en Méditerranée.
Mais il s’est aussi inquiété de la manière dont « la vague migratoire actuelle semble miner les bases de cet esprit humaniste que l’Europe aime et défend depuis toujours » ; esprit qu’il avait vanté dans ses discours aux institutions européennes à Strasbourg le 25 novembre 2014. « On ne peut pas se permettre de perdre les valeurs et les principes d’humanité, de respect pour la dignité de toute personne, de subsidiarité et de solidarité réciproque, bien qu’ils puissent, à certains moments de l’histoire, constituer un fardeau difficile à porter », a déclaré le pape, dont le discours survient dans un contexte de montée des replis nationaux à travers le continent.
Bientôt à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis
Entre fermeture complète et ouverture inconséquente, c’est un « juste équilibre » qu’il demande à l’Europe de trouver. Celui « entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens et celui de garantir l’assistance et l’accueil des migrants ». Le pape, qui avait lancé un appel le 6 septembre dernier à ce que chaque paroisse et monastère d’Europe accueille au moins une famille de réfugiés, s’est dit confiant que « l’Europe, aidée par son grand patrimoine culturel et religieux, a les instruments pour défendre la centralité de la personne humaine ».
La même recherche d’équilibre doit guider aussi l’intégration des migrants. « L’accueil peut être une occasion propice pour une nouvelle compréhension et ouverture d’horizon, tant pour celui qui est accueilli, lequel a le devoir de respecter les valeurs, les traditions et les lois de la communauté qui l’héberge, que pour cette dernière, appelée à valoriser tout ce que chaque immigré peut offrir à l’avantage de toute la communauté », a fait valoir le pape, pour qui cet accueil peut également répondre à la « perte d’identité – aussi religieuse – que connaît dramatiquement l’Occident », où elle fait le terreau du fondamentalisme.
Autant de thèmes que le pape pourrait approfondir dans ses voyages au cours de l’année. Assurément à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, où il se rendra le mois prochain. Peut-être aussi à la faveur d’un déplacement éventuel à Malte, autre poste avancé des flux migratoires. Ou encore en Pologne, où il est attendu pour les JMJ fin juillet.
11/1/16 , Sébastien Maillard, à Rome
Source : La Croix