Un projet de loi controversé sur la confiscation des biens des migrants au Danemark devrait passer sans encombre au parlement après un accord entre une majorité de partis annoncé mardi par le gouvernement de droite.
Sans grand enjeu désormais, les débats prévus à partir de mercredi au Folketing, le parlement monocaméral du pays scandinave, devraient au moins permettre à Venstre, le parti libéral du Premier ministre Lars Løkke Rasmussen, de faire assaut de pédagogie.
Le chef du gouvernement a évoqué "le projet de loi le plus malcompris de l'histoire du Danemark". Le projet a été implicitement comparé par le Washington Post à la spoliation des juifs par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
"A écouter les uns et les autres, on a presque le sentiment que dès que quelqu'un passe la frontière, on le suspend par les pieds pour lui faire tomber les pièces des poches. C'est une vision fausse", s'est indigné M. Rasmussen mardi.
Venstre et ses partenaires de droite, le Parti populaire danois (DF, anti-immigration), l'Alliance libérale et le Parti populaire conservateur, sont finalement tombés d'accord avec les sociaux-démocrates, principal parti d'opposition.
Le texte devrait dès lors recueillir une majorité de suffrages lors du vote des parlementaires fixé au 26 janvier après son examen en commission et en session plénière dans le cadre d'une plus vaste réforme sur les conditions d'accueil des migrants, de plus en plus restrictives.
L'essentiel, pour ses promoteurs, est de juguler l'afflux de réfugiés qui ont été 21.000 cette année à déposer une demande d'asile au Danemark. Le pays est un des pays de l'Union européenne ayant reçu le plus grand nombre de réfugiés eu égard à sa population (5,4 millions), derrière la Finlande, l'Autriche, l'Allemagne et la Suède qui en a reçu 163.000.
Seuls trois partis de gauche restent vent debout contre le projet de loi qui suscitait des réticences jusque dans les rangs de la majorité, à telle enseigne que la ministre de l'Immigration et de l'intégration, Inger Støjberg, a dû revoir sa copie à deux reprises depuis le 10 décembre.
Une mesure symbolique
Mesure de justice sociale pour les uns, taxe sur la misère pour les autres, le texte donne pouvoir aux policiers de "saisir des biens que les demandeurs d'asile apportent avec eux afin de couvrir leurs besoins en alimentation et en hébergement".
Dans une première mouture, il prévoyait que les migrants seraient autorisés à conserver un pécule de 3.000 couronnes danoises (environ 400 euros), ainsi que les bijoux auxquels ils manifestent un attachement affectif.
Mais devant le tollé soulevé, la ministre a présenté le 8 janvier une version édulcorée, portant le montant à 10.000 couronnes. Les bijoux étaient également exemptés de saisie, sauf s'ils présentaient "une grande valeur économique".
Outre qu'il confirme la sanctuarisaton des 10.000 couronnes, le projet de loi qui sera finalement soumis au vote des parlementaires exonère "complètement" tous les biens "de valeur affective particulière" pour leur propriétaire: alliances, bagues de fiançailles, portraits de famille, médailles, etc...
C'est semble-t-il cette garantie inscrite dans la lettre du projet qui a convaincu les sociaux-démocrates, par ailleurs favorables à son esprit. Le parti de centre-gauche n'a lui-même pas manqué de restreindre les conditions de séjour des réfugiés lorsqu'il était aux affaires entre 2011 et 2015.
Dans un entretien récent à l'AFP, Martin Henriksen, porte-parole de DF, reconnaissait que les confiscations ne suffiraient pas à financer le séjour des demandeurs d'asile. Il s'agit avant tout, selon lui, d'un "signal" destiné à les dissuader de venir au Danemark.
Signal aussi aux Danois dépendant de la solidarité nationale, chômeurs, familles et retraités, qui consentent de douloureux sacrifices dans un contexte de rigueur budgétaire.
"Avec les derniers amendements annoncés, il est vrai que dans certains cas les demandeurs d'asile sont mieux lotis que des gens qui ont vécu toute leur vie au Danemark", a avancé Inger Støjberg, citée par l'agence Ritzau.
Début janvier, le HCR avait dit craindre que le gouvernement danois n'adresse avec cette mesure un message qui "alimente la peur et la xénophobie".
12 jan 2016,Sören BILLING
Source : AFP