L'enquête de l'Institut national des études démographiques publiée il y a trois jours a mis en avant plus précisément certains éléments liés au phénomène de la discrimination. Outre la différence entre les segments de population confrontés à la discrimination, s'ajoute ce que l'Ined appelle la dissonance identitaire.
Si les hommes sont plus touchés que les femmes par la discrimination en France, d'autres leçons peuvent être tirées de la dernière livraison sociologique de l'Institut national des études démographiques intitulée «Trajectoires et origines : enquête sur la diversité des populations en France». Un premier constat qui ne surprendra personne établit ainsi que les individus «originaires d’Afrique subsaharienne, d’un DOM ou du Maghreb sont de loin les plus nombreux à déclarer avoir été "la cible d’insultes, de propos ou d’attitudes ouvertement racistes" au cours de leur vie». Le taux de déclaration atteint jusqu'à 55 % pour les immigrés «originaires d’un pays riverain du golfe de Guinée ou d’Afrique centrale». Outre l'ampleur statistique de ce phénomène chez les populations issus de l'Afrique et des DOM, s'ajoute la profondeur qualitative et temporelle de la discrimination qui se caractérise par sa durabilité.
L'assignation aux origines
La nature sociologique des discriminations qui frappe ces populations se détermine par exemple dans des lieux marqués sociologiquement tels que «les lieux de services publics que sont l’école, l’université, les administrations ou les commissariats», donnant une dimension politique et étatique marquée à cette discrimination. Fait particulier, les personnes originaires d’Asie du Sud-Est et de Turquie sont perçues différemment et «se situent dans une position intermédiaire entre les groupes déjà cités et les Européens». Malgré tout, l'ensemble de ces populations témoignent ressentir outre ce racisme, une assignation aux origines permanente, dans leur vécu quotidien. Cette assignation nourrit le phénomène que l'Ined appelle la dissonance identitaire. Plus de 50% des immigrés originaires d’Afrique qui ont obtenu la nationalité française pensent qu’on ne les perçoit pas comme Français, explique l'Ined, ce qui contredit frontalement leur sentiment personnel d’appartenance à la France.
«Je me sens chez moi en France»
Là-encore, cette dissonance identitaire n'est pas localisée dans le temps, est durable et se transmet même de génération en génération, contrairement à la thèse fréquente chez les démographes du phénomène de l'acculturation progressive des populations. «Parmi les personnes d’origine extra-européenne, près d’un descendant d’immigré sur deux est ainsi en situation de «dissonance» parmi ceux dont les parents sont originaires des pays sahéliens (Sénégal, Mali, etc.), contre seulement un tiers parmi les immigrés de même origine». Ce «déni de francité» est imputée aux résistances de la société française à intégrer certains descendants d’immigrés nés en France. Fait remarquable, malgré «cette expérience de rejet, les immigrés et descendants d’immigrés adhèrent massivement à l’identité française». Aux propositions «Je me sens chez moi en France» ou «Je me sens Français», une immense majorité répond «d’accord» ou «tout à fait d’accord», dans tous les groupes d’origine, y compris chez les étrangers, 56% d'entre eux déclarant se sentir Français.
Le racisme antiblanc, un phénomène minoritaire
Défendue farouchement par les uns, montée en épingle par l'extrême-droite française ou niée par les autres, la thématique du racisme anti-blanc a fait coulé beaucoup d'encre. L'Ined qui a étudié le sujet aboutit à deux résultats : le racisme déclaré par «les majoritaires» existe bien mais en faible pourcentage (15 %) contre plus de 50% pour les originaires d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, immigrés comme descendants d’immigrés et ne relève pas de la même nature que les autres formes de racisme. «Non seulement, le racisme vécu par la population majoritaire est bien moins fréquent, mais il se produit essentiellement dans la rue et non dans les autres sphères de vie comme le travail, l’école ou les administrations. Et lorsque ces comportements se manifestent dans le cadre du travail, ils ne s’accompagnent ni de ralentissements dans la carrière ni de pertes de salaire».
14, 2016 - 13:11,Fouad Bahri
Source : zamanfrance