Ahmad, Rami et Saleh ont cru leur dernière heure arrivée. Tombés d'un bateau pneumatique en pleine nuit par forte mer entre la Turquie et l'île de Samos ce week-end, ils n'ont dû leur salut qu'à une ONG assistant les autorités grecques dans le sauvetage de migrants.
Au même moment, dans la même zone, d'autres n'avaient pas cette chance : six personnes sont mortes après le chavirage de leur embarcation. Dix sont portées disparues.
"Nous avons reçu un appel (concernant) un canot avec 40 personnes à bord. On va sur zone", avait annoncé vendredi vers 23H30 locales (21H30 GMT), en pleine mer Egée entre la Turquie et l'île grecque de Samos, Ripley Davenport, plongeur-sauveteur de l'organisation non gouvernementale MOAS (Station d'assistance offshore pour les migrants).
MOAS a été créée par un couple de Malte, Christopher et Regina Catrambone, en réaction à un naufrage qui avait fait quelque 400 morts près de l'île italienne de Lampedusa en 2013.
Depuis, ils financent un bateau, le Phoenix, qui a déjà récupéré des milliers de migrants en Méditerranée entre l'Afrique et l'Europe, sous le slogan "personne ne mérite de mourir en mer".
En 2015, pourtant, 3.800 personnes sont mortes noyées en voulant gagner l'UE, tandis qu'un million d'autres y parvenaient, dont quatre cinquièmes via la Grèce, selon les chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Depuis décembre, MOAS opère aussi en mer Egée, alors que l'OIM dénombre déjà plus de 23.000 entrées en Grèce, et 50 décès entre le 1er et le 15 janvier.
"Nous sommes ici parce que le Premier ministre grec (Alexis Tsipras) a lancé un appel pour recevoir de l'aide dans la crise des migrants", explique Ian Ruggier, responsable des opérations de MOAS.
Quand ils apparaissent dans les projecteurs du Topaz Responder, le nouveau bateau de 51 mètres affrété par MOAS, Ahmad et Rami, deux frères syriens de 32 et 39 ans, et Saleh, un Irakien de 35 ans, sont à l'eau, après être tombés du canot désormais hors de leur portée, à cause d'une grosse vague.
Hagards, choqués
Ils se précipitent vers le navire, se cramponnent à la large échelle de corde lancée par les sauveteurs (25 personnes à bord), qui les hissent sur le pont, hagards et choqués.
Le canot est ensuite repéré, et ses 45 autres occupants récupérés aussi malgré la houle qui fait monter et descendre le canot et le bateau de secours, puis réconfortés, réchauffés au sèche-cheveux, habillés de vêtements secs, soignés et nourris.
Un peu plus tard, le calme a succédé aux cris de peur : des enfants colorient des dessins distribués par MOAS, Ahmad, Rami et Saleh sont plongés dans leurs pensées. Une jeune femme, le regard vague, serre contre elle son bébé.
Noura Shekhan, 26 ans, professeur d'anglais de Damas, est pour sa part "heureuse" d'être enfin en route pour l'UE, avec ses parents et sa belle-soeur, dans l'espoir de rejoindre son frère arrivé en éclaireur en Allemagne il y a quatre mois.
Elle a dû payer 700 dollars à des passeurs, et rester enfermée quatre heures avec 80 personnes dans un camion entre Izmir et Didim (ouest de la Turquie), d'où ils ont embarqué après avoir été repoussés d'abord à deux reprises par les garde-côtes turcs.
Les autorités grecques ont d'abord envoyé MOAS à Lesbos, plus au nord, avant de lui assigner depuis trois semaines cette zone de patrouille dans un chenal plus large, donc plus dangereux pour les migrants. Elles "reconnaissent que nous apportons de la valeur ajoutée à leurs opérations", estime M. Ruggier.
Sans citer explicitement MOAS, la police portuaire grecque l'évoquait en tout cas vendredi dans un communiqué comme "une ONG qui participe avec les patrouilleurs des garde-côtes grecs à des opérations de sauvetage de migrants".
Les 48 rescapés de la nuit ont finalement débarqué à la mi-journée samedi à Vathy, sur l'île de Samos, d'où ils poursuivront le périple vers la Grèce continentale et l'Europe du nord.
Auparavant, le Topaz Responder a pris deux heures pour aider une autre ONG, suédoise, à retrouver les corps des victimes d'un autre naufrage, mais en vain.
MOAS "prévoit de rester au minimum 90 jours en Grèce", selon M. Ruggier. Pour la suite, explique-t-il, "nous déciderons en fonction du financement".
17 janv. 2016, Will VASSILOPOULOS
Source : AFP