Les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne, réunis lundi à Amsterdam, ont demandé à la Commission européenne de préparer les mesures juridiques pour permettre le maintien, si nécessaire pour deux ans, des contrôles frontaliers rétablis par certains pays membres de l'espace Schengen face à la crise migratoire.
"Actuellement, ces mesures temporaires ne peuvent être prises que pour six mois. Mais l'afflux sans précédent de demandeurs d'asile, qui a forcé certains Etats membres à prendre ces mesures au niveau national, ne s'est pas tari", a déclaré le ministre néerlandais de l'Immigration, Klaas Dijkhoff, lors d'une conférence de presse.
"Les Etats membres ont donc invité la Commission à préparer les bases légales et pratiques pour la poursuite des mesures provisoires (de contrôle aux frontières), aux termes de l'article 26 du code de Schengen", a-t-il ajouté.
L'espace Schengen de libre circulation en Europe rassemble 26 Etats, dont 22 sont membres de l'UE. Six pays ont décidé de rétablir momentanément des contrôles à leurs frontières. Il s'agit de l'Allemagne, de l'Autriche, de la France, du Danemark, de la Suède et de la Norvège. Ces contrôles peuvent rester en place jusqu'en mai.
D'après la réglementation de Schengen, les vérifications temporaires aux frontières internes peuvent être prolongées pour une période de deux années maximum.
Pour que cette disposition soit appliquée, les Etats de l'UE doivent être d'accord pour dire que des "insuffisances graves et persistantes" dans les contrôles aux frontières extérieures de Schengen mettent en péril l'existence même de l'UE.
La décision doit être approuvée à la majorité qualifiée par le Conseil européen des 28 chefs d'Etat et de gouvernement.
A Amsterdam, les ministres ont également mis la pression sur la Grèce, fermement invitée à faire plus pour contrôler l'arrivée de migrants sur son sol et menacée par certains pays d'être exclue de l'espace Schengen.
PRESSIONS SUR LA GRECE
Selon les chiffres publiés vendredi par Frontex, l'agence européenne des frontières, 108.000 migrants sont arrivés en Grèce en décembre, ce qui porte le total pour la Grèce à 1,04 million en 2015, soit cinq fois plus que l'année précédente.
L'UE a pris l'an dernier des mesures, notamment financières, pour aider Athènes à faire face à cette situation mais de nombreux Etats membres jugent que le gouvernement grec n'a pas répondu à leurs attentes. Sur les cinq centres d'enregistrement des migrants ("hot spots") que la Grèce était censée mettre en place, un seul est aujourd'hui opérationnel.
"Si nous ne pouvons pas protéger la frontière extérieure de l'UE, la frontière gréco-turque, alors la frontière extérieure de Schengen sera déplacée vers l'Europe centrale", a averti la ministre autrichienne de l'Intérieur, Johanna Mikl-Leitner, à son arrivée à Amsterdam.
Le ministre suédois de l'Intérieur, Anders Ygeman, a insisté pour que les "hot spots" prévus en Grèce et en Italie ne restent pas des voeux pieux. "Au bout du compte, si un pays ne remplit pas ses obligations, nous devrons limiter ses liens avec l'espace Schengen. Si vous ne contrôlez pas vos frontières, cela aura des conséquences sur la liberté de mouvement", a-t-il dit.
L'exclusion d'un pays de l'espace Schengen est possible aux termes de l'article 26 de l'accord. En ce qui concerne une exclusion de la Grèce, l'Allemagne avait déjà évoqué une telle idée l'an dernier.
Le commissaire européen aux Migrations et aux Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, a toutefois souligné que cette possibilité n'avait pas été discutée. "Rien de cela n'a été proposé ou discuté. Ce que nous devons faire, c'est mieux gérer le contrôle de nos frontières extérieures. Il est évident que les Etats concernés doivent faire plus et nous sommes ici pour les y aider", a-t-il dit.
Le ministre luxembourgeois s'est prononcé contre une exclusion de la Grèce et son homologue allemand Thomas de Maizière a déclaré qu'il voulait préserver l'espace Schengen dans l'état actuel mais que le temps pressait.
25 janv. 2016,Gabriela Baczynska et Tom K?rkemeier
Source : Reuters