Migrants. Olivier Jobard, photographe, a suivi une famille syrienne de Grèce jusqu’en Suède. Un périple de 4 000 kilomètres.
Il a rencontré Ahmad, Jihan et leurs deux enfants le premier jour de l’été sur l’île de Kos en Grèce. Ce 21 juin 2015, débarquée d’un Zodiac surchargé, la famille syrienne posait le pied en Europe après sept mois de périple.
Olivier Jobard, né en 1970, vingt ans membre de l’agence Sipa, désormais photographe de l’agence Myop, les a abordés et accompagnés jusqu’en Suède le long d’une route migratoire de 4 000 kilomètres. C’est à la suite d’un reportage sur le camp de Sangatte, en 2000, qu’il se penche sur le phénomène des migrants. Il le documente depuis, en suivant la trajectoire d’individus croisés sur son chemin : le Camerounais Kingsley en 2004, le Tunisien Slah en 2008, l’Afghan Rohani en 2013 et l’année dernière, Ahmad et sa famille, venus de Syrie. De ces rencontres naissent des carnets de route photographiques.
Balkans Transit raconte en 89 images l’histoire de cette famille, petite cellule soudée parmi les 30 000 migrants arrivés sur l’île de Kos dans les six premiers mois de 2015. Ils ont chacun payé 1 000 euros au passeur. Grèce, Macédoine, Serbie, Hongrie, Allemagne, Danemark, Suède. La route est longue. Au sortir de la Grèce, un militant conseille : «Le silence est votre allié. Vous devez entrer dans l’ombre.» Le petit groupe entre dans la clandestinité, déjouant les contrôles et les barrages. Olivier Jobard les accompagne, au plus près. Il documente un temps élastique entre les moments où il faut aller vite, se faufiler, prendre des risques. Et des attentes interminables à certains points. «Je n’irai jamais forcer quelqu’un à partir, payer pour qu’il avance, provoquer une histoire… Mais j’assume que ma simple présence puisse parfois changer le cours des choses», reconnaît le photographe. Sa ténacité et son engagement aux côtés des migrants font l’authenticité de ses photographies, tantôt poétiques, tantôt didactiques. Souvent, il tisse des liens d’amitié avec ceux dont il partage les épreuves. Pour ce travail, Balkans Transit, Olivier Jobard a obtenu le prix AFD (Agence française de développement)-Libération. «Olivier Jobard est l’honneur d’une profession qui a perdu l’habitude du travail au long cours, notamment pour des raisons économiques, explique Alain Mingam, président du jury. Les photographes sont riches en idées et pauvres en moyens et ce prix aide à la production dans une période de crise de la profession. La durée de son engagement auprès des migrants a compté. Il a une approche humaniste, directe, sans recherche de composition trop esthétisante pour provoquer le pathos.» C’est la 4e édition de ce prix et la première année que Libération y participe. Balkans Transit sera exposé à l’Arsenal de Metz à partir du mois de février avec d’autres reportages d’Olivier Jobard et Claire Billet, la journaliste avec qui il travaille en duo…Suite