L'Union européenne a donné vendredi trois mois à la Grèce pour qu'elle pallie les "sérieuses défaillances" dans sa gestion de l'afflux de migrants, qui menacent la libre-circulation à l'intérieur de l'espace Schengen, un pilier de la construction européenne.
Sur proposition de la Commission, la décision a été adoptée par le conseil de l'UE (qui représente les 28 Etats membres), lors d'une réunion à Bruxelles des ministres des Finances, a indiqué l'institution. La Grèce a voté contre, Chypre et la Bulgarie se sont abstenues, selon des sources européennes.
Au travers une cinquantaine de recommandations, l'UE somme ainsi la Grèce, qui se débat encore pour sortir de la crise économique, d'améliorer l'enregistrement et le contrôle des milliers de migrants qui débarquent chaque jour sur ses côtes, qui constituent une frontière extérieure de l'Union.
"Le fonctionnement global de l'espace Schengen est en grave danger. Les difficultés rencontrées par la Grèce affectent l'UE dans son ensemble, et doivent être résolues de façon collective", reconnaît le Conseil.
La Grèce a dû faire face à un afflux "de nature telle qu'il aurait mis le contrôle de la frontière extérieure de n'importe quel Etat membre sous pression extrême", mais doit néanmoins faire des efforts supplémentaires, poursuit le Conseil.
Vendredi, Vienne a demandé à la Macédoine d'être prête à stopper le flux des migrants à sa frontière avec la Grèce, l'Autriche prévoyant de fermer la sienne dans les prochains mois.
Si les recommandations faites par la Commission ne sont pas "suffisamment" appliquées, l'exécutif européen peut proposer, au terme du délai de trois mois, d'activer une mesure inédite du Code Schengen.
La Commission européenne pourrait proposer de rétablir les contrôles aux frontières d'un ou plusieurs pays pour une période de six mois renouvelable, pour deux ans maximum.
La Grèce a souligné "le coût substantiel financier et social" des mesures prises jusqu'à présent, rejetant l'idée qu'elle "néglige ses obligations".
Merkel sur la sellette
Parmi les priorités identifiées par la Commission, Athènes est sommée d'améliorer les procédures d'enregistrement.
Les Grecs doivent se donner la capacité d'effectuer des contrôles systématiques pour identifier les personnes qui obtiennent un visa, et faire des comparaisons avec différentes bases de données européennes et d'Interpol.
L'UE demande également à la Grèce d'accentuer la surveillance de sa frontière maritime avec la Turquie.
Les pays de l'UE sont toujours à la recherche d'une solution durable à la pire crise migratoire depuis 1945, qui a vu affluer plus d'un million de personnes sur son territoire en 2015.
Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU a critiqué l'UE dans son ensemble vendredi, alors que plus de 80.000 personnes sont déjà arrivées par mer en 2016: "Nous voulons voir plus de solidarité. Le choix tout simplement est entre un mouvement plus ordonné pour ceux qui ont besoin de protection internationale ou la répétition du chaos observé en 2015", a lancé le coordinateur régional du HCR pour l'Europe, Vincent Cochetel, à Genève.
Quelque 100.000 civils vivent actuellement dans des camps en Syrie, près de la frontière turque, y compris 35.000 qui ont fui les combats en cours autour d'Alep assiégée, signe que la pression ne faiblit pas.
Dans un entretien exclusif à l'AFP, le président syrien Bachar al-Assad a estimé que certains gouvernement européens avaient contribué directement à l'exode de réfugiés "en imposant un embargo à la Syrie".
En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a expliqué que certain pays de l'UE pourraient accepter volontairement de se répartir plus de réfugiés que ce qui est prévu par les accords européens, en échange d'une lutte accrue de la Turquie contre la migration illégale.
Sa politique migratoire accueillante a été vivement critiquée par le Premier ministre français Manuel Valls.
"L'Europe ne peut pas accueillir tous les migrants en provenance de Syrie, d'Irak ou d'Afrique", a estimé M. Valls dans un entretien à la presse allemande.
Le président tchèque Milos Zeman a préconisé quant à lui la "déportation" des migrants économiques et des personnes suspectées de terrorisme comme "seule solution", fustigeant "l'échec complet" de l'UE face à la crise.
12 fév 2016,Marine LAOUCHEZ
Source : AFP