Le Premier ministre, qui continue sa politique de l’autruche, s’est permis, samedi, de faire la leçon à Angela Merkel.
Manuel Valls ne manque pas d’air : non seulement la France ne recevra en théorie que 30 000 réfugiés dits «relocalisés» (parmi ceux déjà arrivés en Europe) mais, en plus, le Premier ministre s’est permis, samedi, de faire la leçon à Angela Merkel sur ses terres, en affirmant : «Nous ne pouvons pas accueillir plus de réfugiés.» Berlin pourrait légitimement s’offusquer : l’Allemagne a reçu 1,1 million de demandeurs d’asile l’an passé, la France beaucoup moins (79 000), ce qui ne l’empêche pas de critiquer, tout en refusant une solution commune. Or le conflit qui s’aggrave en Syrie jette de plus en plus de réfugiés sur les routes - et au fond de la Méditerranée, cimetière de 410 personnes supplémentaires depuis le 1er janvier. Plus ce drame enfle, plus l’Europe fait la sourde oreille. Seule Merkel a compris ce qui est en jeu : une certaine idée de l’humanité. Elle souhaite travailler à un système permanent de relocalisation rassemblant des pays volontaires, qui impliquerait pour la France d’aller au-delà des 30 000 réfugiés sur deux ans prévus par l’accord passé à l’été 2015. Cet accord prévoyait 160 000 relocalisations au niveau européen, mais à peine 400 ont eu lieu, si bien qu’on se demande s’il sera appliqué un jour, voire s’il est mort-né. Merkel pousse pourtant pour que la formule soit pérennisée. Si Hollande avait semblé accueillir favorablement cette idée en septembre, Valls a dit non samedi, expliquant : «Les solutions sont au Levant, en Turquie, en Jordanie, en Méditerranée. Mais il faut un message très clair qui dise "maintenant, nous n’accueillons plus de réfugiés".»
Cela s’appelle refuser de regarder la réalité en face. Car le problème n’est pas de savoir si on va les accueillir. Ils sont déjà là, ou sur le chemin de la Grèce et de l’Italie : plus de 83 000 y sont arrivés depuis début 2016, contre 12 000 pour la même période (du 1er janvier au 11 février) en 2015, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, a reconnu vendredi à Munich «la nature quasi existentielle de cette menace» pour l’Europe. D’où l’envoi d’une mission de l’Otan pour patrouiller en mer Egée - pas forcément une solution efficace, d’ailleurs. Mais Kerry n’a pas critiqué Merkel, saluant au contraire son «grand courage», flagrant face aux lâchetés françaises. Kerry sait que Merkel est en difficulté dans son pays sur la question et qu’une grande partie de l’Europe, notamment centrale, s’allie contre elle. Isolée, menacée, la chancelière n’a pas changé sa politique d’accueil pour autant. Elle croit, comme l’a noté sa ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, qu’«un continent de 500 millions de citoyennes et citoyens ne peut pas voir ses fondements ébranlés et capituler face à 1,5 ou 2 millions de réfugiés». Mais, avant un sommet européen jeudi et vendredi, Merkel aimerait que les pays comme la France fassent preuve de solidarité. Valls lui a claqué la porte au nez, Paris continue sa politique de l’autruche. Des réfugiés ? Il n’y en a pas. Circulez !
15 février 2016, Michel Henry
Source : Libération