samedi 23 novembre 2024 11:31

ECLAIRAGE-A quoi ressemblerait un "Brexit" ?

L'un des points clés du débat entre partisans et adversaires d'un "Brexit", une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, porte sur les conséquences concrètes du rejet de l'appartenance à l'UE par une majorité d'électeurs britanniques, qui restent difficiles à prédire en l'absence de précédent.

Voici les grandes lignes du processus prévu par le traité de Lisbonne et plusieurs exemples qui pourraient inspirer les futures relations entre Londres et les Vingt-Sept en cas de victoire du "Brexit" lors du référendum que le Premier ministre David Cameron espère organiser dès le mois de juin prochain:
ARTICLE 50

L'article 50 du traité de Lisbonne de 2009 définit le processus de retrait d'un Etat membre de l'UE. Il n'a jamais été appliqué. Seul le Groenland a quitté en 1985 la Communauté économique européenne, prédécesseur de l'UE.

Que se passe-t-il ?

Une fois que le Royaume-Uni a informé le Conseil européen de sa décision de se retirer, des négociations sont lancées sur les modalités de ce divorce et sur les futures relations avec les vingt-sept Etats membres restants.

Ces négociations sont conduites par le Conseil européen. La Grande-Bretagne n'est pas impliquée côté européen et n'a pas de droit de vote sur les termes de l'accord que l'UE lui propose.

Tout accord doit être accepté par les deux parties.

Côté UE, il doit être approuvé à la majorité qualifiée des 27 dirigeants européens.

En fonction de ce qu'il contient, l'accord peut également faire l'objet d'une ratification par les parlements nationaux.

Les traités européens doivent être amendés pour prendre en compte le retrait britannique, tandis que Londres doit bâtir une nouvelle législation nationale se substituant aux actes législatifs européens.

Combien de temps ?

Le traité de Lisbonne autorise jusqu'à deux ans de négociation. Si aucun accord n'est trouvé passé cette date, soit les 27 pays membres de l'UE s'accordent à l'unanimité pour prolonger, soit la Grande-Bretagne quitte l'UE sans accord. Durant cette période de discussions, la législation européenne continue de s'appliquer en Grande-Bretagne.

A quoi pourraient ressembler les futures relations GB-UE ?

L'EXEMPLE DU GROENLAND

Le Groenland a quitté la CEE en 1985, conséquence d'un référendum organisé trois ans plus tôt.

Après son départ, le territoire danois a continué de percevoir des fonds européens et d'avoir accès sans droits de douane au marché européen de la pêche. En contrepartie, le Groenland autorisait l'UE à pêcher dans ses eaux.

Mais l'exemple du Groenland est difficilement applicable au cas britannique. Le territoire n'a qu'une population de 57.000 habitants et n'a jamais été membre de son plein droit de la CEE, qu'il a rejointe en tant que territoire appartenant au Danemark.

Etant donné que deux millions de Britanniques vivent dans d'autres pays de l'UE et que 2,5 millions ressortissants de l'UE vivent au Royaume-Uni, le Groenland pourrait toutefois servir d'inspiration pour la période de transition.

L'accord passé entre l'UE et le Groenland stipulait que les ressortissants de l'UE ayant acquis des droits grâce à l'UE, comme celui de circuler librement, conservaient ces droits pendant la période de transition.
LE MODELE SUISSE

La Suisse est, avec la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein, membre de l'Association européenne de libre-échange (AELE).

Les biens qu'elle exporte bénéficient d'exemptions de droits sur les marchés de l'UE, mais elle reste libre de négocier ses propres accords commerciaux avec les pays hors UE. La confédération a ainsi signé un accord de libre-échange avec la Chine, contrairement à l'UE.

La Suisse n'a cependant qu'un accès limité au marché des services de l'UE, et quasiment aucun accès aux services financiers, l'un des moteurs de l'économie britannique.

Berne est libre de fixer ses propres politiques en matière sociale ou d'environnement, ce que Londres apprécierait, mais verse également des contributions au budget de l'UE et accepte la libre circulation des personnes, deux points dont les partisans du Brexit ne veulent plus.

La confédération helvétique connaît un taux d'immigration beaucoup plus élevé que la Grande-Bretagne si on le ramène à la population.

Lors d'une votation en février 2014, les électeurs suisses ont approuvé l'introduction de quotas pour les ressortissants de l'UE à partir de 2017, ce qui violerait le pacte bilatéral helvético-européen garantissant la libre circulation.

L'UE menace de suspendre tous les autres accords passés avec Berne, ainsi que l'accès à ses marchés, si la Suisse impose unilatéralement ces quotas.

LE MODELE NORVEGIEN

Tout en appartenant à l'AELE, la Norvège a également accès au marché unique européen en tant que membre de l'Espace économique européen. En échange, elle accepte la liberté de circulation des ressortissants de l'UE, verse des contributions au budget de l'UE et applique les règles du marché unique sans avoir de droit de vote sur cette question.

David Cameron juge que la Norvège n'est pas un modèle à imiter. Le pays, qui a rejeté par deux fois l'appartenance à l'UE lors de référendums, verse au Bloc un montant par habitant deux fois plus élevé que la Grande-Bretagne, accueille deux fois plus de migrants et n'a pas de "siège à la table" des Vingt-Huit, déplore le Premier ministre britannique.

Selon le modèle norvégien, la législation européenne continuerait de s'appliquer à la Grande-Bretagne dans de nombreux domaines de politique économique, y compris sur le marché du travail où de nombreuses lois sont jugées trop restrictives par les milieux d'affaires.

Comme la Suisse, la Norvège est libre de négocier ses propres accords de libre-échange avec les pays non membres de l'UE. Elle n'est pas soumise aux avis de la Cour européenne de justice, l'une des cibles des eurosceptiques britanniques.

LE MODELE TURC

La Turquie, candidate à l'adhésion à l'UE, a un accord d'union douanière avec les Vingt-Huit qui l'exempte de droits de douane sur les biens qu'elle exporte vers l'UE mais l'oblige à accepter les droits de douane à l'exportation de l'UE quand elle commerce avec des pays extérieurs à l'UE.

L'accord ne couvre pas le secteur des services.

ACCORD DE LIBRE-ECHANGE

Les partisans du "Brexit" privilégient la conclusion d'un accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et l'UE, similaire à celui que le Bloc vient de signer avec le Canada et qui prévoit la suppression de 99% des droits de douane.

Ils font valoir qu'un tel accord permettrait à leur pays de commercer encore plus largement avec l'UE, tout en étant libre de négocier directement avec d'autres pays comme les Etats-Unis et les pays émergents.
Les défenseurs de la sortie du Royaume-Uni soulignent que Londres affiche un déficit commercial avec l'UE (7,6 milliards de livres en décembre 2015) et que l'Union n'a donc aucun intérêt à perdre un tel partenaire.
"Dans les minutes qui suivront un vote pour le Brexit, les PDG de Mercedes, BMW, VW et Audi frapperont à la porte de la chancelière (Angela) Merkel pour réclamer qu'il n'y ait pas de barrière à l'accès au marché britannique pour les Allemands", a déclaré le député conservateur David Davis.

"Les premiers mois après le Brexit seront probablement hystériques, mais les dirigeants de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie, de la Pologne et des autres pays savent que le moyen de perdre des élections est de détruire sa propre industrie", a ajouté ce partisan du "oui" au Brexit.

Le camp des partisans du maintien de la Grande-Bretagne dans l'UE note qu'il faut souvent bien plus que deux ans pour conclure un accord de libre-échange. Sept années se seront ainsi écoulées entre les négociations et l'entrée en vigueur de l'accord UE-Canada. La Grande-Bretagne, seule, n'aurait pas le même poids commercial que l'UE pour négocier, souligne-t-il.

LES CONDITIONS DE L'OMC

Si la Grande-Bretagne ne parvient pas à conclure un accord de libre-échange avec l'UE, elle pourrait revenir aux règles fixées par l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), décrites par le camp du "out" comme un "filet de sécurité du Brexit". L'OMC fixe un plafond aux droits de douane qu'un pays est en mesure d'imposer.

Cela donnerait à la Grande-Bretagne le bénéfice de droits de douane nuls ou peu élevés sur la majeure partie de ses biens exportés vers l'UE, même si les taxes dans certains secteurs stratégiques comme l'automobile, la chimie ou l'agro-alimentaire restent relativement élevées.

La Grande-Bretagne serait également soumise à des barrières douanières sur ses services, en particulier dans des secteurs fortement régulés comme les services financiers.

En vertu d'un accord de libre-échange ou des règles de l'OMC, Londres n'aurait pas obligation d'accepter la libre circulation.

"Si on obtient l'OMC plus un accord de libre-échange, on s'en sort très bien. Si on a juste l'OMC, on s'en sort encore bien. Le gâteau est meilleur avec la cerise, mais on a quand même à manger", estime David Campbell Bannerman, un autre député conservateur qui fait campagne pour le Brexit.

17 février 2016

Source : Reuters

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