samedi 23 novembre 2024 11:26

Migrants et familles démunies privés de soins gratuits

Faute d’autorisations, Dr. Zouhair Lahna a décidé de revenir à ses « actions sans frontières et universelles»

Salué par de nombreux acteurs associatifs et professionnels de la santé, le Centre médico-social Injab qui devait offrir des soins gratuits aux migrants et Marocains en situation précaire n’aura duré que quelques jours seulement. Le temps d’apprécier l’enthousiasme qu’a suscité ce projet parmi les patients démunis et d’offrir ses premières prestations.

Faute d’autorisations nécessaires, selon les officiels, le cabinet médical ouvert à la  mi-janvier dernier dans le quartier périphérique d’El Oulfa Errahma, a définitivement fermé. Au grand désespoir de Dr Zouhair Lahna, porteur de ce projet caritatif, qui assure avoir déposé sa demande d’autorisation au bureau du Conseil de l’Ordre des médecins de Casablanca et rappelle que le ministère de la Santé n’est pas concerné vu qu’il s’agit d’un cabinet privé.

Après le passage des agents du ministère de la Santé, « j'ai eu en mon absence (puisque le cabinet est fermé) une visite des autorités locales pour dévisser les plaques devant l'immeuble », a écrit le médecin sur sa page Facebook. « Il est évident qu'on ne peut pas participer à la paix sociale dans une terre administrée par des personnes qui ne le souhaitent pas », a déploré le chirurgien philanthrope. 
Dr Zouhair Lahna est persuadé qu’« entre les inquisiteurs, les profiteurs des malheurs des déshérités et les spectateurs, on ne peut pas aller très loin ». Surtout quand « la masse encourageante et attentiste n'a pas de pouvoir de décision ni de capacité de mobilisation », soutient-il. 
C’est donc avec beaucoup de regret et surtout d’amertume que l’ancien vice-président d’Aide médicale internationale et membre de Médecins sans frontières (MSF-France), a dû se résoudre à abandonner un projet auquel il tenait  tant depuis des années.

Et ce, en dépit du fait qu’il « a suscité beaucoup d'enthousiasme chez certains professionnels de santé qui souhaitaient participer à cet élan de solidarité sans précédent au Maroc à long terme (pour se différencier des caravanes médicales, limitées dans le temps, dans l'action et forcément dans les résultats) et autres citoyens qui se sont enthousiasmés pour cette idée et souhaitaient également contribuer à lever, ne serait-ce qu'un peu, le fardeau de plus en plus lourd sur les familles et la société », a-t-il ajouté.

Face à la décision et aux tergiversations des autorités, le docteur a tout bonnement  choisi de revenir à ses « actions sans frontières et universelles ».

Qu’à cela ne tienne, tout n’est pas pour autant fini. Dr Zouhair Lahna invite ses concitoyens, frères et sœurs maghrébin(e)s de France et ami(e)s français qui le souhaitent à le rejoindre sur « Injab Concept ». « Une plate-forme virtuelle que les sbires, qui n'ont pas encore compris la marche de l'histoire, ne peuvent pas fermer ni enlever ses plaques », a-t-il expliqué.

L’idée d’« Injab Concept » est des plus simples : « Instituer mon travail en Syrie et bientôt en Afrique subsaharienne afin d'inviter tous les acteurs de santé ou non à y participer », a indiqué le médecin. 
« Si on ne peut pas soigner les Syriens et Subsahariens qui ont immigré au Maroc, on peut certainement le faire dans leurs pays d'origine. Les intentions et actions restent les mêmes, seule la géographie change », a souligné cet ancien chef de clinique des Universités de Paris VII.

Dr Zouhair Lahna invite ainsi tout ce beau monde à l'aider par les moyens qu'ils souhaitent et tendre la main aux Syriens qui fuient la guerre et les déchirements. Pour le médecin, sa place est certainement plus utile aux côtés « des femmes et des enfants entassés au bord de la frontière turque fuyant les bombardements russes, désertant leurs maisons et leurs terres».

Quant aux déshérités et laissés-pour-compte marocains, le docteur regrette ne pas pouvoir leur venir en aide, assurant cependant sans détour : « je ne suis qu'un enfant du peuple, qui n'a pas oublié d'où il vient et qui a gardé en lui une envie de lutter à sa façon contre les injustices que subissent les plus humbles de ce peuple ».

17 Février 2016, Alain Bouithy

Source : Libération 

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