Le renforcement des contrôles aux frontières sur la route des Balkans a aggravé mardi les divisions européennes sur la crise migratoire, avec des passes d'armes entre Athènes, Vienne et Berlin, et accentué l'inquiétude de l'UE face au risque d'une "crise humanitaire".
Le commissaire européen chargé de la question migratoire, Dimitris Avramopoulos, et le ministre néerlandais gérant ce dossier, Klaas Dijkhoff, dont le pays exerce la présidence tournante de l'Union européenne, se sont dit "inquiets" de cette situation dans les Balkans, craignant une possible "crise humanitaire", en particulier en Grèce, selon un communiqué commun.
Athènes, qui doit gérer dans l'urgence depuis dimanche le blocage de milliers d'exilés jusque-là autorisés à poursuivre leur périple en Europe, a protesté tant auprès de Vienne qu'auprès de l'UE, sur l'absence de concertation migratoire européenne.
Le Premier ministre grec Alexis Tsipras, a exprimé "son mécontentement" auprès de son homologue néerlandais Mark Rutte. Il a aussi dénoncé la tenue prévue mercredi en Autriche d'une réunion ministérielle, sans la Grèce, sur le contrôle des frontières avec l'Albanie, la Bosnie, la Bulgarie, le Kosovo, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie.
La Grèce y voit une initiative "unilatérale et inamicale" visant à prendre, sans elle, "des décisions concernant directement ses frontières". "Répéter une erreur ne la corrige pas", a répondu Athènes après le rejet de ces critiques par Vienne, qui a fait valoir qu'une telle réunion n'était pas une première.
L'Autriche a également demandé à l'Allemagne de mettre fin à ses "contradictions" et de fixer son propre quota de demandeurs d'asile. Elle répondait au ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière qui lui avait reproché dimanche de laisser passer un trop grand nombre de migrants vers son pays.
Près de 4.000 migrants restaient bloqués mardi soir à la frontière d'Idomeni, la Macédoine, qui n'est pas membre de l'UE, ayant barré dimanche le passage aux Afghans et exigé des réfugiés autorisés à passer, Syriens et Irakiens, qu'ils disposent de papiers d'identité en plus du laissez-passer délivré dans les centres d'enregistrement.
Quelque 300 réfugiés ont toutefois pu passer dans l'après-midi, selon la police grecque.
Risque de 'chaos' en Europe
Les modalités exactes de ce durcissement, qui a déjà entraîné un effet domino, avec le renvoi en Macédoine de migrants déboutés par la Croatie, restaient confuses.
Skopje a affirmé appliquer des décisions prises le 18 février à Zagreb lors d'une réunion des cinq pays de la route des Balkans. Le filtrage se fait sur la base de "critères imposés par les pays de destination finale", a indiqué une source gouvernementale macédonienne.
Un porte-parole de la police autrichienne, à l'extrémité de la route des Balkans, a lui expliqué que son pays recalait les arrivants dont les "déclarations sont contradictoires" et/ou "dont l'identité ne peut pas être établie". L'absence de papiers d'identité ou la présentation de faux papiers constitue donc un motif de rejet, a-t-il précisé.
Le ministre grec de la Défense, Panos Kammenos, a de son côté appelé son homologue allemande, Ursula von der Leyen et devait joindre dans la soirée le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, pour s'assurer, face à réticences turques, du déploiement rapide en Egée de la mission alliée convenue mi-février pour tarir les départs de Turquie, a indiqué une source du ministère.
Alors que le sommet européen la semaine dernière s'est entendu sur la nécessité d'une réponse "commune" de l'UE à la crise migratoire, "cinq directeurs de la police (...), et donc leurs Premiers ministres derrière eux, ont pris des décisions différentes", a déploré le ministre grec à la Politique migratoire, Yannis Mouzalas.
Il accompagnait à Lesbos le Haut-commissaire aux Réfugiés de l'ONU, Filippo Grandi. Ce dernier s'est dit "très inquiet" de la fermeture croissante des frontières, qui "va créer davantage de chaos et de confusion", les flux ne faiblissant pas.
Plus de 102.000 migrants et réfugiés sont arrivés depuis janvier sur les îles grecques en provenance des côtes turques, soit autant qu'au premier semestre 2015, a annoncé mardi l'Organisation internationale pour les migrations. Quelque "2.000 personnes dont un tiers sont des Afghans" continuent d'arriver quotidiennement, selon le responsable du HCR en Grèce, Philippe Leclerc.
"nous risquons d'avoir trois semaines très difficiles", faute de places, a averti M. Leclerc.
23 fév 2016,Hélène COLLIOPOULOU, avec Odile DUPERRY
Source : AFP