Les enfants des Marocains résidant à l’étranger sont plus ou moins intégrés dans les systèmes éducatifs des pays d’accueil. S’ils sont bien intégrés dans certains pays, ils ne le sont pas ou peu dans d’autres.
Ces enfants sont souvent orientés vers les cursus techniques et la formation professionnelle. Mauvaise maîtrise de langue des pays d’accueil, manque de sensibilisation, faiblesse d’encadrement et absence de motivation semblent être les principales causes de cette situation. C’est ce qui ressort d’une étude sur les performances scolaires des enfants MRE présentée hier à Rabat.
Selon ce document, ces performances sont conditionnées par plusieurs facteurs liés à leur environnement social et familial, au faible niveau d’encadrement associatif, ainsi qu’aux mesures prises dans ce sens par les pays d’accueil. A ces facteurs, l’étude ajoute la faible implication des parents comme le facteur majeur de leur démotivation et par conséquent la faiblesse de leur performance scolaire ainsi que le manque de ressources humaines, financières et de moyens techniques au niveau des associations de soutien scolaire.
Pourtant, plusieurs points remettent en cause la viabilité de cette étude, à commencer par les catégories ciblées. Que signifient aujourd’hui les enfants des MRE ? Parle-t-on des enfants fraîchement installés dans les pays d’accueil ou des enfants de troisième et quatrième générations dont une grande partie porte la nationalité des pays d’accueil et du coup des citoyens de ces pays ? Continuer à considérer ces enfants comme issus de la migration n’est-il pas une entrave à leur intégration dans ces pays d’accueil et un obstacle devant la jouissance d’une citoyenneté entière?
Ensuite, les critères d’intégration sur lesquels s’est basée l’étude sont sujets à caution. Le rapport a-t-il fait référence au taux de réussite, de scolarisation ou celui de décrochage scolaire ? Ceci d’autant plus que l’étude en question ne définit pas le terme performance ? S’agit-il des performances individuelles ou de groupes ? En fait, tous les experts sont unanimes à souligner qu’il faut construire des «modèles» plus complexes pour déterminer la probabilité de réussite des populations comparables : catégorie sociale, niveau de diplôme des parents ou composition familiale. L’étude pèche aussi par son manque de clarification concernant les pays choisis comme cibles. Si l’Europe concentre une forte communauté marocaine, le choix de l’Algérie et de la Côte d’Ivoire reste hasardeux puisque d’autres pays abritent un nombre important de MRE.
Enfin, les résultats de l’étude ont suscité plusieurs questions. Alors qu’elle affirme le peu de performances des enfants des MRE, de récentes études ont confirmé et contrairement à une idée reçue que les élèves issus de l’immigration à milieu social équivalent ont souvent de meilleurs résultats scolaires que les enfants de parents originaires des pays d’accueil. Une étude de l’INSEE a souligné que 61% des enfants d’immigrés obtiennent le bac contre 68% pour les Français de souche. Une autre étude du ministère français de l’Education a révélé qu’entre 50 et 55% des enfants dont la famille est originaire du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou du Portugal obtiennent le bac, contre 64,2% pour les enfants de familles non-immigrées. Les experts soutiennent qu’il n’y a pas d’échecs scolaires massifs et spécifiques des enfants d’immigrés. Globalement, les moins bons résultats observés chez des élèves issus de l’immigration relèvent, comme pour l’ensemble des élèves scolarisés, de l’origine sociale.
Des questions entre autres auxquelles un responsable du ministère des MRE et des Affaires de la migration n’a pas jugé utile de répondre lors de cette rencontre. Il a même bafoué notre droit de poser des questions en tant que journalistes. Que doit-on en conclure ?
1 Mars 2016, Hassan Bentaleb
Source : Libération