Les autorités françaises poursuivaient mardi le démantèlement d'une partie de la "jungle" de Calais, les pelleteuses progressant sous protection policière face à des migrants désemparés, tandis qu'Athènes demandait un demi-milliard d'euros à l'Union européenne pour l'aider à accueillir jusqu'à 100.000 réfugiés.
Cette crise migratoire alimentée par le conflit en Syrie, la plus grave en Europe depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, inquiète jusqu'aux Etats-Unis, sous pression pour prendre la tête d'un règlement international d'urgence.
Dans la "jungle" de Calais (nord), le plus grand bidonville de France, qui regroupe surtout des Syriens, des Afghans et des Soudanais attendant de pouvoir gagner l'Angleterre, les migrants se montraient récalcitrants à l'idée de vider les lieux et gagner des centres d'accueil répartis sur le territoire. Beaucoup avouaient leur impuissance: "On nous laisse comme ça dans le froid et l'hiver", fustige l'un d'entre eux.
Le démantèlement des abris de fortune se poursuivait dans une zone habitée majoritairement par des Soudanais. "On ne peut rien faire face à la police", confie Nureen, un leader de la petite communauté. "Nous ne savons pas ce que nous allons faire", dit-il, le visage emmitouflé dans une écharpe, enroulée comme un foulard saharien.
60% du camp promis à la destruction
La veille, des heurts avait opposé migrants et militants associatifs aux policiers anti-émeutes. La situation restait tendue mardi, avec notamment une maisonnette incendiée dans des circonstances peu claires, mais pas de violence notable.
Pour vider la zone concernée, soit près des deux tiers du camp, "on prendra le temps nécessaire", a assuré Vincent Berton, représentant local du gouvernement, en évoquant "trois semaines, un mois". La zone en cours de destruction abrite entre 800 et 1.000 migrants selon le gouvernement, 3.450 selon les associations.
En gilets fluo et tenue de chantiers, les employés d'une société privée détruisaient lentement les abris de bois et de plastique, tandis que derrière eux un bulldozer aplanissait la terre humide juste dégagée et souillée de détritus. Comme lundi, l'opération se déroulait sous la protection de dizaines de policiers, boucliers, matraques et flashball en main.
A des milliers de kilomètres de Calais, plus de 7.000 migrants restaient bloqués au poste grec d'Idomeni après des restrictions imposées par plusieurs pays, dont la Macédoine, sur le nombre des personnes autorisées à entrer sur leurs territoires, un sujet qui divise profondément l'Union européenne.
Après un passage au compte-gouttes dimanche en Macédoine, un groupe de 300 Irakiens et Syriens, dont des femmes et enfants, ont forcé lundi un cordon policier grec et enfoncé une partie de la barrière de barbelés. Les policiers macédoniens ont riposté avec des gaz lacrymogènes.
La Commission européenne s'est dite "très inquiète" face à ces incidents. La Macédoine a justifié les tirs de gaz en évoquant "une tentative violente" d'intrusion d'hommes ne voulant ni s'enregistrer ni se rendre dans les centres d'accueil.
La Macédoine est le premier pays sur la route des Balkans, empruntée par les migrants qui arrivent sur les îles grecques en provenance des côtes turques et veulent rejoindre les pays de l'Europe centrale et du Nord.
Défi 'mondial'
Alors que les frontières se ferment, plus de 131.000 migrants sont arrivés en Europe par la Méditerranée depuis début janvier, a annoncé mardi le Haut-commissariat aux réfugiés, soit davantage que pour les cinq premiers mois l'an dernier.
En première ligne, la Grèce a lancé un appel à l'aide mardi. "Nous ne sommes pas en mesure de faire face à l'ensemble des réfugiés qui arrive", a prévenu la porte-parole du gouvernement Olga Gerovassili.
Aussi, Athènes a soumis un plan "d'urgence" à l'Union européenne pour organiser l'accueil de 100.000 réfugiés, portant sur une aide financière de 480 millions d'euros, a-t-elle précisé. Actuellement, la Grèce abrite 23.000 migrants.
Face à la cacophonie européenne sur la réponse à cette crise migratoire, et pour tenter de rapprocher les positions, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a entamé mardi à Vienne une tournée dans les pays des Balkans et se rendra jeudi et vendredi en Turquie avant un sommet européen crucial le 7 mars à Bruxelles auquel assistera Ankara.
Pour préparer ce sommet, le président français François Hollande recevra vendredi à Paris la chancelière allemande Angela Merkel.
Pour les Etats-Unis "la crise des réfugiés est mondiale (...) Ce n'est pas un défi régional (...) C'est un test pour nous tous", a déclaré en début de semaine le chef de la diplomatie américaine John Kerry.
01 mars 2016,Hervé BAR
Source : AFP