mercredi 3 juillet 2024 18:22

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Houria Esslami, la femme de l’ombre qui passe en première ligne à l’ONU

Du fond de la vallée d’Ouarzazate des années soixante-dix, la petite Houria ne croyait pas qu’elle serait appelée à de hautes destinées bien loin des sommets enneigés de l’Atlas qui lui cachaient l’horizon.

Après des études primaires dans la petite ville aux confins de Drâa où s’installèrent ses parents à l’époque, cette native d’Oujda a évolué dans une famille moyenne sans histoire au moins jusqu’au jour où son frère Mohamed ait été victime de disparition forcée.

Elle mène depuis lors un combat inlassable “pour la vérité” aux côtés de sa famille et des proches des disparus. Sa motivation, au départ personnelle, et sa profession de traductrice ne l’ont pas empêchée de s’engager petit à petit dans un parcours exceptionnel, au Maroc comme à l’étranger.
“C’est un travail de longue haleine et d’une grande ampleur puisque nous assistons à l’apparition d’acteurs autres que les Etats qui compliquent davantage la mission de recherche de la vérité sur les cas de disparition”, confie Mme Esslami à la MAP. Souvent complexe, ce travail peut être à ses yeux aussi frustrant quand le sort est généralement concluant au décès et des fois sans dépouilles.
A 48 ans, la co-fondatrice du Forum marocain pour la vérité et l’équité est sortie de l’ombre dont elle en est en tout cas toujours adepte. Mais rien ne peut bousculer son calme, son regard insaisissable et sa sérénité, sources aussi de son énergie inébranlable.

Elle fait le tour du monde, tantôt comme membre du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) plaidant pour l’expérience marocaine en matière des droits humains, tantôt comme présidente du Groupe des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI). Et de ses deux positions, la première femme présidente de ce mécanisme international depuis sa création il y a 35 ans montre et démontre que le succès à l’international n’est pas la chasse gardée de la gent masculine.
L’experte internationale conçoit son travail à la fois comme une mission humanitaire et une grande responsabilité puisqu’il s’agit d’établir le sort de personnes dont les familles, déchirées par l’absence d’un proche, portent tout leur espoir sur le groupe onusien pour avoir de l’information.
“C’est un grand défi devant le nombre de plaintes reçues et les moyens limités dont dispose le GTDFI. C’est une course continue contre le temps”, indique l’experte qui se dit consciente de sa lourde tâche au sein de ce groupe dont elle assure la présidence depuis septembre.

Celle qui a été directrice exécutive de la Fondation Driss Benzekri pour les droits humains semble bien décidée à laisser son empreinte sur l’action internationale contre toute privation de liberté ou dissimulation du sort réservé aux personnes disparues. Un tel apport confirme, dit-elle, que la dynamique nationale est susceptible de produire des ressources humaines qui ont leur place à l’échelle internationale
C’est la raison pour laquelle elle s’emploie au quotidien pour “maintenir et améliorer l’efficacité du groupe et lui préserver son rôle de médiateur entre les proches des victimes et les Etats”.
Aujourd’hui, Houria Esslami ne cache pas son désir d’apporter sa “modeste contribution” à l’immense chantier des droits de l’Homme au Maroc. Cette entreprise, estime-t-elle, “exige de toutes et de tous, gouvernement, société civile et institutions nationales, un engagement continu dans la mise en œuvre afin de rendre effective la prise de conscience et la jouissance de ces droits”.

Lauréate de l’Ecole Roi Fahd supérieure de traduction au milieu des années 90, l’experte marocaine estime que la prise de conscience et la culture des droits ne peuvent être que les fruits d’un engagement de tous les jours. Cet engagement-là, Houria l’assume pour le bien avant tout de son pays qu’elle tient “à servir de n’importe quelle dynamique et quelle que soit sa position”.

2 mars 2016, Abdellah CHAHBOUN

Source : MAP

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