Le président français François Hollande reçoit vendredi matin Angela Merkel à l'Elysée, pour tenter de s'accorder trois jours avant un sommet UE-Turquie crucial pour trouver des remèdes à la crise des migrants qui enflamme l'Europe et fait tanguer le couple franco-allemand.
La chancelière allemande est attendue à 10h15 à l'Elysée pour un entretien en tête à tête avec le président de la République, suivi d'une déclaration conjointe à la presse et d'un déjeuner de travail.
Mme Merkel et M. Hollande veulent s'entendre pour tenter, dans le court laps de temps avant le sommet de Bruxelles, de convaincre leurs partenaires de s'engager dans une réponse coordonnée à la plus grave crise migratoire qu'ait connu l'Europe au lieu de se déchirer.
Les restrictions aux frontières récemment décidées en cascade par plusieurs pays des Balkans, ont ainsi piégé des milliers de migrants en Grèce, menacée d'une crise humanitaire imminente.
"La visite de la chancelière à Paris vendredi vise à préciser les sujets, faire le point sur là où on en est, et engager la dernière phase durant le week-end pour obtenir le maximum lundi", explique un diplomate français, estimant que l'Europe est désormais "engagée dans une course de vitesse pour rattraper le temps perdu".
Paris et Berlin veulent notamment pousser la Turquie à tenir ses engagements pour le contrôle de l'accès à son territoire, voie de passage vers la Grèce, la réadmission des migrants irréguliers et la surveillance de ses frontières. La Turquie doit également, selon la France, améliorer ses structures d'accueil en échange des 3 milliards d'euros qui lui ont été alloués par l'UE.
La rencontre intervient deux jours après l'annonce d'une aide européenne inédite de 700 millions d'euros pour aider les Etats membres en première ligne sur la route des migrants qui veulent rejoindre l'Europe du Nord, en particulier la Grèce. Celle-ci abrite actuellement 23.000 migrants, dont 10.000 bloqués à la frontière macédonienne.
Plus de 130.000 migrants ont afflué en Europe depuis début janvier selon le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), après un million l'an dernier.
Pour Paris, "l'idée c'est de montrer que l'engagement de la France et de l'Allemagne permet de donner toutes ses chances" au sommet de lundi.
'Valls pas l'interlocuteur de Merkel'
A Berlin, on estime également que l'Allemagne et la France doivent "donner un signal et persuader les autres Etats membres".
Mais la crise des migrants a provoqué de fortes turbulences dans le couple franco-allemand.
Les critiques du Premier ministre français Manuel Valls le 13 février à Munich contre la politique d'ouverture aux réfugiés de la chancelière et sa proposition d'un mécanisme permanent de répartition dans l'UE n'ont guère été appréciées outre-Rhin.
Le gouvernement allemand n'a pas manqué de souligner que "M. Valls n'est pas l'interlocuteur d'Angela Merkel".
En dépit des déclarations réitérées de solidarité de François Hollande à la chancelière, le grand écart persiste toutefois dans les faits entre Paris et Berlin face à la crise migratoire.
A front renversé de la crise financière grecque où M. Hollande faisait figure de meilleur allié du Premier ministre Alexis Tsipras en contraste avec l'intransigeance de Mme Merkel, la chancelière allemande se montre aujourd'hui plus pugnace que son partenaire français pour appeler les Européens à ne pas laisser la Grèce "plonger dans le chaos".
A demi-mot, Paris reconnaît d'ailleurs que la dirigeante allemande était fondée à trouver que la France avait été "un peu longue pour mettre en place" des dispositifs d'accueil pour les relocalisation, afin de soulager Athènes.
"Mais aujourd'hui ça marche", assure un diplomate à Paris soulignant que le cap de 300 personnes accueillies sur le territoire français était sur le point d'être franchi avec un rythme prévisible de plusieurs centaines d'admissions par mois. Au total la France s'est engagée à en accueillir 30.000.
4 mars 2016,Sabine WIBAUX
Source : AFP