mercredi 3 juillet 2024 18:17

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ECLAIRAGE-Obstacles juridiques au projet d'accord entre l'UE et Ankara

Les dirigeants des Vingt-Huit Etats membres de l'Union européenne et de la Turquie pourraient finaliser lors du sommet européen de jeudi et vendredi le projet d'accord sur la crise migratoire discuté la semaine dernière à Bruxelles.

En l'état, le texte présenté le 7 mars prévoit de "renvoyer tous les migrants en situation irrégulière qui partent de la Turquie pour gagner les îles grecques" et, en échange, de "procéder, pour chaque Syrien réadmis par la Turquie au départ des îles grecques, à la réinstallation d'un autre Syrien de la Turquie vers les Etats membres de l'UE".

Ce principe du "un pour un" est présenté comme un moyen de dissuader les migrants de tenter la périlleuse traversée vers les îles grecques et d'en finir avec les réseaux de passeurs en mer Egée.
Le projet d'accord prévoit en échange une aide financière européenne accrue pour la Turquie ainsi qu'une accélération de la libéralisation des visas et une relance des négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE.

Mais un certain nombre de points juridiques font obstacle au texte.

LIBERALISATION DES VISAS POUR LES TURCS

L'UE ne veut supprimer les visas nécessaires aux Turcs que lorsque le gouvernement d'Ankara remplira les 72 critères prévus à cette fin.

Dans un rapport publié le 4 mars, la Commission européenne estime que 19 de ces critères sont déjà respectés et fait état, pour la plupart des autres, d'un respect partiel. Mais trois notamment doivent encore être mis en oeuvre:

1. signature d'un accord avec l'agence européenne de police Europol,

2. adoption des règles européennes de protection des données,

3. suppression des visas pour tous les ressortissants de l'UE, quelle que soit leur nationalité. Aujourd'hui, les citoyens de neuf pays membres de l'UE doivent se procurer un visa pour se rendre en Turquie. Le cas de Chypre devrait être le plus ardu. Les ressortissants de la république de Chypre doivent accepter de se faire enregistrer comme sujets de l'"administration chypriote grecque du sud de Chypre".

Une fois les 72 critères remplis, la dispense des visas pour les ressortissants turcs devra être validée par le Parlement européen, dont de nombreux élus semblent peu disposés à accepter cette évolution alors qu'ils dénoncent les dérives autoritaires du président turc Recep Tayyip Erdogan.

"Il est hautement contestable que la Turquie, qui prend le contrôle d'un journal qui critique son gouvernement, puisse présenter trois jours plus tard une liste de souhaits et qu'elle soit récompensée par des discussions portant sur une libéralisation des visas", a souligné la semaine dernière la ministre autrichienne de l'Intérieur, Johanna Mikl-Leitner.

LA TURQUIE, "PAYS TIERS SUR" ?

Pour que les autorités grecques et européennes puissent renvoyer vers la Turquie les migrants arrivant sur les îles grecques de la mer Egée sans examiner leurs demandes d'asile, il est indispensable que la Turquie soit considérée comme un "pays tiers sûr" où ils seront traités en tant que réfugiés conformément à la convention de Genève.

La décision n'est pas prise au niveau de l'UE, mais au niveau national. Et le projet prévoit que ces renvois seront organisés dans le cadre d'un pacte bilatéral de "réadmission" entre la Grèce et la Turquie.
Mais Athènes, disent des fonctionnaires grecs, ne dispose pas d'une liste des pays considérés comme sûrs. Et des juristes font observer que la Turquie, même si elle accueille de nombreux réfugiés, se limite à appliquer les protections prévues par la convention de Genève aux seules personnes fuyant l'Europe.

"Beaucoup affirment que la Turquie n'est pas un pays tiers sûr. Cette question va exiger plus de travail et de discussions", observait vendredi Metin Corabatir, ancien porte-parole du HCR aujourd'hui directeur du Centre turc de recherches sur l'asile et la migration.

EXPULSION ET READMISSION

Le Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad al Hussein, redoute que l'accord en gestation entre l'UE et la Turquie n'entraîne des "expulsions collectives et arbitraires" illégales au regard du droit international.

La loi européenne prévoit que tous les demandeurs d'asile ont droit à un examen individuel de leur cas avec possibilité d'un recours. Des expulsions de masse depuis les îles grecques de la mer Egée semblent incompatibles avec ce processus.

Le député européen Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge aujourd'hui à la tête de l'Alliance des libéraux et des démocrates européens (ALDE), a eu des mots très durs contre ce qu'il considère comme une "délocalisation" de la crise migratoire et un "refoulement collectif interdit par la convention de Genève". "Le sultan Erdogan détiendra désormais les clés de la porte de l'Union européenne", a-t-il dénoncé la semaine dernière.

A l'autre extrémité de l'accord du "un pour un", il faudra aussi clarifier comment et par qui les Syriens accueillis en Turquie seront choisis pour être admis sur le territoire européen.

14 mars 2016,Tom K?rkemeier

Source : Reuters

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