Le Sénat a décidé que tous les 3 octobre sera célébrée une journée en mémoire des migrants morts en Méditerranée dans la tentative de gagner l’Europe.
Les Sénateurs italiens se sont prononcés mercredi pour l’institution d’une journée qui rappellera chaque année que la traversée de la Méditerranée coûte des centaines de vie aux migrants. La péninsule reste marquée dans sa chair de nation terre d’émigration et d’immigration par le drame survenu le 3 octobre 2013 au large des côtes siciliennes. Ce jour-là, des centaines de personnes entassées à bord d’un bateau en détresse en Méditerranée, se lancèrent du même côté à l’arrivée des secours. Déséquilibré le navire, un chalutier qui n’était pas de première jeunesse, chavira entraînant par plusieurs mètres de fond quelque 368 de ses passagers.
Il s’agissait de femmes et d’enfants, de vieillards et de personnes déjà affaiblies par l’éprouvante traversée, ainsi que des jours d’errance en mer, sans eau ni provisions, et qui ne pouvaient plus fournir d’effort pour remonter en surface. Le drame fut consumé lorsqu’il fut décidé que tenter de renflouer le bateau serait une opération compliquée : les naufragés gisent donc toujours par le fond, prisonniers de leur rafiot. Ils étaient Erythréens et Ethiopiens en majorité. Mais l’histoire des migrations a montré à suffisance que la notion de nationalité est toute relative. Tel se passe pour Soudanais qui est en réalité Nigérien ou Congolais, et qui prend la nationalité la plus susceptible de favoriser l’obtention de son statut de réfugié.
Ce drame fut vécu comme un véritable traumatisme national en Italie. Il explique l’institution de cette « Journée nationale des victimes de l’immigration ». C’est le minimum que l’on pouvait faire; ce sera « une sorte de dédommagement symbolique envers les familles », estime l’ONG ARCI, à l’origine de la proposition. « Mais les morts n’ont pas cessé depuis lors. Les gens continuent de mourir dans la tentative de franchir les frontières d’une Europe qui se transforme chaque jour de plus en une forteresse qui se barricade derrière des murs et des clôtures, comme si les morts d’hier n’avaient servi à rien », constate l’organisation.
Pour le Sénateur Luis Alberto Orellana, cette journée ne sera pas une occasion de fêter. Il s’agira, au contraire, d’un « moment pendant lequel les Italiens sont appelés à réfléchir sur le respect de la dignité humaine et sur la solidarité civile, valeurs fondatrices de l’Europe ». Dans une atmosphère générale de bonnes paroles et de bonnes intentions, le Sénateur a souligné que l’Italie ne devait pas se limiter « à accueillir l’étranger qui risque sa vie dans son pays ; nous devons aussi lui garantir l’exercice effectif des libertés démocratiques » tel que garanti par l’article 10 de la Constitution sur le droit d’asile. Il a fortement souligné le nécessaire tri à faire entre « migrants économiques » et requérants d’asile.
« L’Italie se présente, pour les pays africains en premier, comme un modèle démocratique et même économique », a estimé le Sénateur décidément en verve. « Il me plaît de croire que les milliers d’étrangers qui débarquent sur nos côtes pourront représenter une ressource pour notre pays, comme le furent en Argentine, au siècle passé, les centaines d’italiens fuyant la misère chez eux et qui contribuèrent au développement de ce pays » d’Amérique latine, a-t-il conclu.
L’institution de la Journée pour les victimes de l’immigration intervient alors que le président de la République italienne, Sergio Mattarella, effectue une tournée en Afrique qui le conduit de l’Ethiopie au Cameroun, au centre de l’Afrique. Pendant qu’à Rome les Sénateurs décidaient la journée de mémoire pour les immigrants morts, en Ethiopie M. Mattarella visitait un camp de réfugiés, une expérience qui l’a marqué. « De voir tous ces enfants sourire dans ces conditions, sans rien, est une chose qui a un impact émotionnel qui fait réfléchir », a avoué le président italien.
17 Mars 2016, Lucien Mpama
Source : adiac-congo.com