mercredi 3 juillet 2024 18:26

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Crise des migrants : un naufrage européen

Les Vingt-Huit ont jusqu’à demain pour parvenir à s’entendre sur le «pré-accord» négocié par Angela Merkel avec la Turquie. Celle par qui les réfugiés pensaient avoir trouvé une réponse à leur errance est aussi celle qui, par manque de soutien, doit à présent envisager une porte de sortie qui passera par Ankara. Dans ce pré-accord, tout repose sur le principe du «un contre un».

«Un contre un», ça sonne juste, équitable. Un réfugié contre un migrant, c’est carré, c’est parfait. Si l’accord est entériné, la Turquie réadmettra tous les migrants économiques présents sur le sol de l’UE qui, en échange, accueillera les réfugiés relevant du droit d’asile en attente à Ankara. Quelques réfugiés, bien sûr, pas tous. Contre 3 milliards d’euros (et peut-être trois de plus), le président Erdogan s’est engagé à retenir les 2,7 millions de Syriens qui sont installés chez lui. Un moyen pour la chancelière allemande de proposer aux Vingt-Huit une «solution durable et paneuropéenne sur la question des réfugiés». Avec ce pré-accord, les réfugiés et les migrants seront le bon grain et l’ivraie, la Turquie sera le tamis. Car, faut-il le préciser, un migrant n’a rien à voir avec un réfugié, bien sûr que non.

Convenance

Un migrant, c’est une personne qui fuit son pays pour des raisons de convenance, elle aurait pu faire autrement, mais elle a décidé de faire comme ça. Par exemple, si un Erythréen, qui vit donc dans une dictature rappelant à bien des égards la Corée du Nord, décide de quitter son pays, c’est un choix, donc c’est un migrant. En revanche, un Syrien, un Irakien ou un Afghan qui fuit son pays, c’est un réfugié. Pour faire simple, ce qui distingue un migrant d’un réfugié, c’est le regard que nous portons sur la situation de son pays. Si cette situation a une incidence quelconque sur notre vie, il y a de fortes chances pour que le migrant soit un réfugié, si la situation de son pays d’origine n’a aucun impact immédiat sur la nôtre, c’est un migrant. Là, on y voit déjà plus clair. Là, l’Europe telle que nous la connaissons depuis des décennies, est à son meilleur, elle propose des chiffres, de l’économie. Il y avait «pétrole contre nourriture», il y a «réfugié contre migrant», «un contre un», c’est bien, ça tient dans un carnet de comptes, ça se range dans des tableaux, des cases, ça définit, c’est bien.

Il paraît qu’au commencement de l’Union européenne était le verbe, celui qui devait empêcher la guerre, l’élimination, l’industrialisation de la mort, celui qui opposait la vie à la morbidité de l’après-guerre. Et puis le verbe a perdu face à l’économie.

Intérêts particuliers

Désormais, on joue à la marchande. Traiter les hommes comme des marchandises, c’est au fond remettre l’Union européenne dans son seul domaine de compétence encore actif, l’économie, puisqu’elle ne produit plus rien qui soit de l’ordre de la pensée, rien qui dépasse les intérêts particuliers. Si les hommes deviennent des chiffres, là, nous savons faire, là, c’est plus simple et ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est que tout soit simple.

16 mars 2016, Tania De Montaigne

Par Tania De Montaigne — 16 mars 2016 à 20:01

Source : Libération

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