samedi 23 novembre 2024 08:43

Interpellé par l’État, l’islam de France se mobilise

Créée en 2015 par le gouvernement, l’instance de dialogue avec le culte musulman se réunissait hier sur « la prévention de la radicalisation ».

Les fédérations musulmanes et l’aumônerie nationale des prisons avaient préparé des propositions concrètes.

« Urgence », « inquiétude »… Ouvrant la deuxième réunion de l’instance de dialogue avec le culte musulman, consacrée à la prévention de la radicalisation, Manuel Valls n’a pas caché la gravité de la menace.

Et cette fois, le premier ministre a explicitement sollicité l’aide des responsables du culte musulman, soulignant leur « responsabilité majeure » dans cette « lutte sans relâche ».

Un « livre blanc » recensant des propositions concrètes

Soumis à la pression des pouvoirs publics depuis les attentats, bousculés eux-mêmes dans leurs mosquées par les jeunes fondamentalistes qui contestent leur autorité, la grande majorité savent aujourd’hui qu’il leur faut agir contre la « récupération », le « dévoiement » de leurs textes. Preuve de ce début de mobilisation, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a remis lundi 21 mars un « livre blanc » recensant des propositions concrètes soumises par les principales fédérations musulmanes et l’aumônerie nationale des prisons en amont de cette journée.

Parmi ces pistes, le renforcement de la formation des imams par la mutualisation des parcours existants – sur lesquels chaque fédération veille avec un soin jaloux –, la création d’un conseil religieux pour élaborer un « contre-discours » et « permettre un renouveau de la pensée », ou encore le développement de « la mystique de l’islam » (le soufisme).

Signe de la carence actuelle en matière d’éducation religieuse, le CFCM s’est aussi engagé à mieux suivre les écoles coraniques souvent accolées aux mosquées, et dont les programmes souffrent souvent d’une certaine « improvisation », selon les mots d’Anouar Kbibech, président du CFCM, mais également à mieux accompagner les jeunes et les convertis pour les « immuniser » contre l’extrémisme.

Une difficulté d’une partie des participants à analyser lucidement leur propre discours

Toutes ces propositions, pour la plupart déjà anciennes et qui ont buté jusqu’ici sur des « querelles politiques » entre pays d’origine, se traduiront-elles cette fois par des actes ? Les réactions recueillies en marge des ateliers lundi 21 mars traduisaient autant l’espoir des uns que les réticences des autres.

L’accueil très frais réservé – dans l’atelier sur le contre-discours – à l’appel de l’historien Rachid Benzine à « contextualiser » les textes sacrés témoigne surtout d’une difficulté d’une partie des participants à analyser lucidement leur propre discours.

Le CFCM a dit, en revanche, sa disponibilité pour répondre aux demandes des pouvoirs publics d’une coordination accrue. D’abord dans les cellules mises en place par les préfectures pour accompagner les familles suspectant la radicalisation d’un proche.

Les prisons, enjeu « stratégique »

L’expérience du Centre d’action et de prévention contre la radicalisation des individus (Capri), créé à Bordeaux et associant la Fédération des musulmans de Gironde, a été mise en avant. « Nous avons expliqué comment nos imams participent à l’orientation des personnes vers le bon spécialiste, et aussi comment, le cas échéant, ils essaient de déconstruire leur discours religieux », explique Marwan El Bakhour.

« Dans certains cas, notre présence pourra aussi permettre de relativiser les choses, d’aider ces cellules préfectorales à mieux distinguer pratique rigoriste et radicalisation », fait valoir Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon.

Enfin dans les prisons, enjeu « stratégique » pour le ministre de l’Intérieur, le plan d’action de l’administration pénitentiaire laissera une plus grande place aux aumôniers musulmans. En reconnaissance de ce nouveau rôle, et en échange d’un effort de formation accru, Bernard Cazeneuve a annoncé lundi 21 mars une revalorisation de leur indemnité, faisant du culte musulman le plus subventionné en prison.

21/03/2016, Anne-Bénédicte Hoffner

Source : La Croix

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