mercredi 3 juillet 2024 18:27

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Appels à contribution. Mobilités et marchés du travail des espaces (trans)frontaliers : enjeux et impacts

Le fonctionnement et la signification des frontières ont profondément évolué au cours des dernières décennies, tant dans leurs formes spatiales que dans leurs interrelations (Paasi, 1996). Au sein de l’espace européen de Schengen par exemple se déroulent des processus d’intégration politique qui relativisent la fonction « classique » de la frontière en tant que limite territoriale, celle-ci  devenant de plus en plus poreuse (Coupleux et al., 2005).

Il s’en suit que les flux de main-d’œuvre transfrontalière s’y accroissent. Ces processus se trouvent renforcés par la globalisation et spécialisations des économies, ainsi que par la progression induite des échanges. De nombreuses recherches se sont développées autour de ce phénomène émergent, que ce soit dans le domaine de l’économie urbaine (par ex. Moritz 2011, Pierrard 2008), de la géographie des transports et de la mobilité spatiale (Soutif 1999, Buxeda 2005, Plat et Raux 2008, Rietveld 2012), ou encore au sein d’études portant sur le thème de la frontière (communément appelées border studies) et qui se révèlent plus qualitatives (Van Houtum 2000, Durand 2013). Sans vouloir décrire l’entièreté de leurs résultats, rares sont encore les travaux quantitatifs qui se positionnent dans des démarches individu-centrées (au niveau des acteurs ou des salariés) et qui, de surcroît, s’étendent de part et d’autre de la frontière (Bloomfield et al. 2015, Nowotny 2014, Gerber 2012, Carpentier 2012, Carpentier et al. 2013, Schiebel et al. 2015).

Même si les évolutions y décrites paraissent se renforcer et évoluer qualitativement, par l’augmentation des flux des jeunes actifs hautement diplômés notamment (brain drain ; cf. Tassinopoulos 1999), les flux migratoires restent encore relativement faibles, et ce malgré l’ouverture volontariste des frontières étatiques (Van der Velde 2014). Au-delà de ces approches empiriques, des essais de théorisation de ce marché du travail transfrontalier ont été initiés (De Gisjel et al. 1999), nourris d’apports de la croissance endogène, de la nouvelle économie urbaine (rôle du capital humain local) ou encore des théories de polarisation.

Des tentatives de modélisation à l’échelle individuelle, se concentrant sur le différentiel en termes de qualification des frontaliers par rapport aux non-frontaliers, ont été menées (Huber, 2014). Ces travaux viennent en résonnance de ceux plus anciens portant sur la migration inter et intra-étatique. Ils mettent en évidence l’impact des différentiels entre les régions d’origine et de destination sur l’auto-sélection négative ou positive – au regard des qualifications – des migrants (Borjas 1987, 1992). De même, les mobilités apparaissent dépendre de différentiels d’opportunités sur les marchés du travail, voire de différentiels en termes de protection sociale (Borjas 2001). Un rapprochement avec les résultats de cette littérature paraît fructueux pour toute démarche individu centrée.

La géographie économique soutient quant à elle que la contigüité géographique est une source potentielle d’externalités positives, nées de complémentarités, d’hybridation ou de mutualisation des ressources. Elle est de surcroît en mesure de favoriser une intégration spatiale valorisant les différences (Sohn 2014). À une échelle plus individuelle, d’autres travaux suggèrent que des différentiels, vus comme des discordances, ne favoriseraient pas la mobilité. Ceux-ci tiennent aux qualifications acquises à l’offre de travail (y inclus les règles s’appliquant à un métier), aux aspects culturels (dont la langue), et plus globalement à la méconnaissance et l’incertitude associées au lieu (le pays étranger), même si ce lieu se situe plus ou moins à proximité de celui de résidence. Cela rejoint notamment le concept de (un) familiarity développé par Spierings et Van der Velde (2008). Certains travaux récents (notamment deux numéros spéciaux : European Planning Studies 2013-1 et Journal of Borderlands Studies 2014-3) s’en sont inspirés pour développer différentes études de cas, couvrant nombre de régions frontialières et portant sur la vie quotidienne des résidents, le tourisme ou les achats.

Objectifs de l’appel

C’est à l’échelle des marchés locaux et régionaux du travail, situés à des distances variables et de différentes natures (sociale, géographique, institutionnelle ou cognitive) de la frontière, qu’il est le plus intéressant d’observer les processus de transformation à l’œuvre. Ce sont en effet sur ces marchés que les acteurs interagissent. Les contributions souhaitées pour ce numéro d’EPS devraient s’orienter ainsi vers des aspects quantitatifs pluridisciplinaires concernant les déterminants, enjeux et impacts des mobilités sur les marchés de main-d’œuvre situés aux abords des frontières, en fonction de différentes unités d’analyse et/ou de périodes temporelles.

Ces articles attendus traiteront ainsi des questions suivantes, selon de préférence des approches disciplinaires croisées (économie, géographie, démographie, sociologie, psychologie), que ce soit sur des terrains transfrontaliers européens, américains, asiatiques ou africains :

En quoi se distinguent les frontaliers des non-frontaliers, voire des migrants, au sein des différentes aires géographiques des marchés du travail locaux ou régionaux ?

Quels sont les leviers d’action des acteurs publics à même d’agir sur, voire de réguler (ex: infrastructures routières ou de transport en commun) les flux de main-d’œuvre de part et d’autre de la frontière ?

Quelles sont les pratiques et représentations socio-spatiales des citadins vivant aux abords des frontières ? Comment appréhendent-ils la frontière et leur propre territoire d’activités ? Ce dernier s’étale-t-il sur plusieurs États, indépendamment des conditions de travail des actifs résidents ou frontaliers ? Les potentiels de mobilité ont-ils un impact sur leurs modes de vie ?

Qu’en est-il des chefs d’entreprises et managers ? Se jouent-ils des frontières et de leurs espaces périphériques afin de mieux se positionner dans la concurrence mondialisée ? Quelles sont alors leurs stratégies de localisation ?

Comment est-il possible de mesurer ces phénomènes disparates d’actions politiques ou entrepreneuriales de part et d’autre de la frontière, de même que les flux individuels de migration ou de mobilité (quotidienne, résidentielle, professionnelle) ?

Ces pistes de recherche supposeront généralement un socle de données empiriques déployées soit à une échelle micro, que ce soit des actifs frontaliers ou résidents, des protagonistes de la société civile, des employeurs ou des acteurs politiques, soit à une échelle méso (les régions transfrontalières européennes par exemple, ou leurs métropoles). Les micro-données comparables et harmonisées d’un côté comme de l’autre de la frontière restent en effet encore marginales, même s’il existe certaines données d’enquêtes ad hoc (quantitatives ou qualitatives) permettant d’apporter des contributions originales. De surcroît, des travaux de nature plus méthodologique, en vue de mieux cerner ces phénomènes encore marginaux, peuvent être également proposés.

A soumettre pour le : 30 juin 2016

Source : revues.org

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