ONG qui ne veulent plus opérer dans des camps désormais "centres fermés", migrants arrivés de longue date s'estimant bloqués contre leur gré : la mise en oeuvre du plan visant à renvoyer tous les migrants illégaux commence à créer des tensions en Grèce.
Jeudi, quatre jours après l'entrée en vigueur dimanche du plan conclu la semaine dernière entre l'UE et la Turquie, visant au renvoi systématique des migrants illégalement débarqués sur les îles grecques, plus de 200 membres d'associations de soutien aux réfugiés ont manifesté au "hotspot" de Moria, sur l'île de Lesbos.
C'est dans ce type de camp d'enregistrement, où il était possible jusqu'à la semaine dernière d'aller et venir, que sont désormais consignés tous les nouveaux arrivants sur les îles grecques.
Ils vont y attendre que soient en place les 4.000 spécialistes grecs et européens du droit d'asile ou de la sécurité, chargés d'examiner leurs cas et de procéder le cas échéant aux renvois en Turquie.
"No borders", criaient les manifestants - dont l'un a été arrêté - face à un important cordon policier. "Freedom" renchérissaient depuis l'intérieur du camp plus de 200 personnes internées que la police a empêchées d'approcher des grillages.
"Ils ne nous laissent pas partir", à réussi à crier à l'AFP un des migrants pakistanais, retenu là, bien qu'il assure être arrivé le 17 mars, avant l'entrée en vigueur de l'accord UE-Turquie.
Comme beaucoup de ses compatriotes, rarement éligibles à l'asile, il semble pâtir du contexte de durcissement général contre ce flux migratoire irrégulier, voué de toute façon à un renvoi à plus ou moins long terme.
La situation s'est encore aggravée du fait que les ONG refusent maintenant d'opérer dans des hotspots qu'elles considèrent désormais comme des centres de rétention.
Le HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations unies) a été le premier à annoncer lundi se retirer en grande partie de Moria.
Médecins du Monde (MSF) a emboîté le pas, prenant à son tour cette "décision extrêmement difficile" pour ne pas "être complice d'un système que nous considérons à la fois injuste et inhumain".
'Crise morale'
International Rescue Committee (IRC) à Lesbos, le Conseil norvégien des réfugiés (NRC) à Chios ont suivi. Jeudi, Oxfam a à son tour annoncé son retrait de Moria, tandis que son représentant en Grèce Giovanni Riccardi déplorait que "cette crise migratoire se transforme peu à peu en une crise morale en Europe".
La tension s'aggrave aussi à la frontière nord, où 12.000 personnes (sur environ 50.000 dans tout le pays) végètent toujours dans le cloaque d'Idomeni, à la frontière macédonienne hermétiquement close.
Mercredi, quelques centaines de réfugiés et migrants ont réclamé la réouverture de la route des Balkans en bloquant des routes pendant plusieurs heures à 25 km d'Idomeni.
Jeudi, une centaine de personnes, pourtant relogées dans un camp à Diavata, près de la frontière, sont allées à Thessalonique (nord, deuxième ville du pays) dénoncer les conditions de vie dans ce camp, plantant des tentes sur la place centrale.
Autre foyer de tension, le port du Pirée, où séjournent actuellement 4.770 personnes. Human Rights Watch y a constaté "une situation chaotique", marquée par "plusieurs bagarres" entre migrants.
Giorgos Kyritsis, porte-parole du service de coordination de la politique migratoire, a assuré que "le transfert volontaire de personnes d'Idomeni vers des centres d'accueil allait s'intensifier" et que 30.000 nouvelles places seront crées d'ici 20 jours.
En revanche, interrogé sur la date d'arrivée des experts étrangers censés mettre en oeuvre le plan européen, il a indiqué que, malgré "des discussions avancées", il n'y a "pour le moment pas d'arrivée de renfort européen".
L'entrée en vigueur de l'accord UE-Turquie, semble avoir contribué à ralentir nettement le flux des migrants arrivant de Turquie, avec même zéro arrivant entre mercredi matin et jeudi matin, une première, sans doute due aussi aux vents violents sur la mer Egée.
La Turquie a renforcé la sécurité sur ses frontières avec la Grèce, a indiqué à l'AFP Polat Kizildag, un responsable de l'ONG de soutien de migrants (ASAM), active sur les côtes turques.
"Cependant il y a toujours un grand nombre de migrants qui veulent venir en Grèce ou en Europe et si la Turquie arrive à respecter ses obligations, la route migratoire pourrait changer vers l'Italie ou vers la mer Noire et les pays de l'Europe de l'Est", a-t-il estimé.
24 mars 2016,Odile DUPERRY
Source : AFP