mercredi 3 juillet 2024 18:23

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Domestique réduite en esclavage : "rien n'a changé" à Hong Kong après le procès

Un an après la condamnation retentissante d'une Hongkongaise qui avait réduit en esclavage sa domestique indonésienne, rien n'a été fait pour améliorer la protection des employées de maison, regrette cette dernière.

Aujourd'hui âgée de 25 ans, Erwiana Sulistyaningsih était devenue le visage de cette minorité silencieuse de centaines de milliers d'employées de maison sans lesquelles Hong Kong ne fonctionnerait pas.

Après avoir enduré un calvaire terrifiant en 2013 dans la maison où elle travaillait, elle était parvenue à fuir en Indonésie en janvier 2014.

Son employeur, une mère de famille hongkongaise de 44 ans, avait été condamné en février 2015 à six ans de prison, notamment pour coups et blessures aggravés.

Les associations venant en aide aux domestiques, connues sous le nom de "helpers", avaient espéré que la médiatisation internationale de cette affaire serve d'électrochoc.

Cela n'a pas été le cas, dénonce cependant Erwiana, dans un interview donnée dimanche à l'AFP.

"Il y a toujours des abus, des mensonges, des cas d'exploitation orchestrés par les agences de recrutement", explique la jeune femme, revenue à Hong Kong pour la première d'un documentaire qui lui est consacré.

"Rien n'a changé. Il y a encore tellement de migrants qui n'obtiennent jamais justice."

 50.000 domestiques en 'travail forcé'

Hong Kong compte 300.000 employées de maison, pour la plupart des Philippines et des Indonésiennes.
Leur sort est généralement plus enviable que celui des domestiques dans le reste de l'Asie ou au Moyen-Orient. Mais en cas d'abus, elles ont souvent peur de parler et ne savent pas vers qui se tourner, dénoncent les associations de défense des droits de l'Homme.

Au cours du procès, Erwiana Sulistyaningsih avait raconté les "tortures" subies, expliquant qu'elle avait vécu pendant des mois avec du pain et du riz pour toute nourriture. Elle n'était autorisée à dormir que quatre heures par jour et avait parfois été battue si violemment qu'elle avait perdu connaissance.

Pour Erwiana et les associations, les pays d'origine comme les autorités hongkongaises doivent s'attaquer à ces agences de recrutement qui, contre la promesse d'un emploi, demandent aux migrantes des sommes astronomiques, plaçant d'emblée ces femmes - dont les passeports sont souvent confisqués - dans une situation d'endettement et de dépendance.

Pour les associations, il faut également abolir la disposition obligeant les employeurs à héberger leur domestique, à l'origine de situations de séquestration.

Il faudrait en outre faire appliquer la durée maximale du travail hebdomadaire, ou encore supprimer la règle qui stipule qu'une domestique n'ait que deux semaines pour trouver un nouvel employeur en cas de démission.

Le Centre pour la justice, une organisation de défense des droits de l'Homme, a estimé mi-mars dans un rapport qu'une domestique sur six, soit 50.000 personnes, étaient à Hong Kong en situation de "travail forcé".

Familles éclatées

D'après l'étude, 14% des personnes dans cette situation sont arrivées après avoir été victimes de la traite des êtres humains.

En décembre, la Commission de l'ONU contre la torture avait appelé les autorités hongkongaises à réformer la loi afin de mieux protéger les victimes de travail forcé et de traite des êtres humains.
Aujourd'hui, Erwiana fait des études d'économie en Indonésie et conseille ses compatriotes cherchant à travailler à l'étranger, en les mettant en contact avec des associations d'aide.

Deux ans après la fin de son calvaire, Erwiana dit avoir toujours du mal à respirer par son nez cassé. Ses pieds portent les stigmates de son enfer et elle continue de consulter pour chasser ses démons.

Elle ne sursaute plus au moindre bruit, mais elle dit avoir du mal à se concentrer plus de 20 minutes.

Elle fond en larmes quand elle parle de mère, domestique à Brunei, et de l'éclatement des familles dans son pays.

"Tous les jours, je rêvais qu'elle revienne pour s'occuper de nous, ses propres enfants", a-t-elle dit à la première devant de nombreux spectateurs - pour beaucoup des Indonésiennes - émus par le documentaire.
"Ma mère, comme des millions de femmes et d'hommes, a été obligée de partir travailler à l'étranger à cause de la pauvreté et de l'absence d'emplois corrects".

28 mars 2016,Laura MANNERING

Source : AFP

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