mercredi 3 juillet 2024 18:27

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Le chemin de croix des migrants

Entre Mexique et Guatemala, Tenosique reçoit chaque Pâques des centaines de migrants célébrant leur foi et dénonçant les maltraitances qu’ils subissent dans leur périple vers le Nord.

Wendy et José ont fui le Honduras pour protéger leurs deux enfants Dany et Herson courtisés par la Mara Salvatrucha.

C’est une étape clé pour les migrants en provenance du Guatemala. Une ville où, harassés par des jours de marche à regarder par-dessus leur épaule, ils posent leur peu de bagages et soufflent enfin. C’est là aussi, à Tenosique, qu’ils se retrouvent pour célébrer la Semaine Sainte et soulever sur leur corps fatigués la croix du Christ. Organisé depuis 2011 par l’équipe de l’auberge solidaire La 72, cet événement religieux et social réunit migrants, défenseurs des droits humains, frères et prêtres.

Cette année, le chemin de croix débute à la frontière guatémaltèque. Pendant trois jours, les pèlerins parcourent la route empruntée par les migrants pour s’entretenir avec les habitants des villages qu’elle traverse. Dans cette région où de nombreuses personnes vivent du trafic généré par les flux migratoires, l’objectif est de «sensibiliser la population et de créer un espace de convivialité et de dialogue. Notre ambition est que les gens connaissent les raisons qui poussent ces migrants à quitter leur pays, et sachent comment les aider au mieux», explique Ramón Márquez, directeur de La 72.

Arrivée à Tenosique, la caravane de la «Viacrucis migrante» occupe les locaux de La 72 pour préparer les festivités du week-end. Malgré la fatigue et le stress, il règne une ambiance de fête. Allongés sur le sol du patio, des gamins décorent des pancartes pour le chemin de croix du samedi. Les femmes préparent les baleadas, un plat traditionnel hondurien. Un match de foot s’improvise entre plusieurs jeunes hommes du Guatemala, du Honduras, du Salvador et du Nicaragua. On perçoit ici des rires, de la ferveur, du répit et même de l’espoir.

Fuir la criminalité

Et pourtant les histoires sont lourdes à porter. Comme celle de Wendy et de sa famille. Avec son beau-frère Carlos, son mari José et ses deux enfants Dany et Herson, ils ont fui le Honduras après avoir refusé de s’enrôler dans la Mara Salvatrucha. Les épreuves du voyage n’ont rien entamé de leur complicité et de leur joie de vivre. Poursuivis par l’organisation criminelle, ils ne peuvent plus retourner en arrière et tentent de se réinventer ici une vie sans peur. Difficile, dans un Mexique où le renforcement des contrôles migratoires initié en 2014 avec le programme Frontera Sur a augmenté de manière considérable les violations des droits humains des migrants et les déportations.

Pour frère Tomás González, représentant légal de La 72, le chemin de croix organisé à Tenosique est l’occasion de «prêcher la parole de Dieu auprès de nos frères en transit mais surtout de protester contre les actes de violence perpétrés contre eux». Extorsions, droits de passage, fouilles irrégulières etc. Sur la route vers les Etats-Unis, les exactions contre les migrants sont fréquentes, pour ne pas dire quotidiennes, et souvent impunies. «On parle d’un réseau articulé où plusieurs personnes – forces de police, agents de migration, crime organisé, citoyens lambda – exploitent les migrants», explique Ramón Márquez.

Douleur, incompréhension

Souvent, ces derniers mettent leur vie en jeu. Les jours précédents la Semaine Sainte ont ainsi été marqués par plusieurs évènements violents. Victimes des réseaux de trafic d’êtres humains, très présents dans la région, deux migrants ont été assassinés et un autre blessé. Selon frère Tomás González, un enfant de 3 ans a été blessé par balle avant d’être détenu avec sa famille par les agents de l’Institut national de migration. Enfermé dans une cellule du centre de rétention de Tenosique sans aucune attention médicale, il a été libéré au bout de dix-huit jours. Remis au personnel de l’auberge La 72, l’enfant n’a pas survécu à ses blessures. Le dernier jour du chemin de croix, après les ablutions, les prières, les protestations, il ne restait que le silence pour dire la douleur et l’incompréhension. I

Mercredi 30 mars, Mylène Moulin

 Source : lecourrier.ch

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