A peine deux semaines après l'accord UE-Ankara, un premier renvoi de réfugiés et migrants de Grèce en Turquie est prévu lundi, ouvrant la voie aux premières "réinstallations" de réfugiés syriens de Turquie vers l'UE, a confirmé jeudi soir le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu.
Cette date du 4 avril pour les premiers renvois avait été fixée par la chancelière allemande Angela Merkel dès la conclusion le 18 mars de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie, dont elle a été l'inspiratrice et l'artisane.
"Cette pratique débutera le 4 avril", a déclaré M. Davutoglu à la télévision turque. "Cela signifie, avec la méthode du un pour un, que le nombre de réfugiés en Tuquie n'augmentera pas, et que personne n'aura à risquer sa vie avec l'ambition de se rendre en Europe via la mer Egée", a-t-il ajouté.
Selon une source européenne, le premier groupe comprendra "des Syriens, Afghans et Pakistanais qui n'ont pas demandé l'asile" en Grèce.
"Il y a un engagement majeur de la Turquie et de la Grèce consistant à renvoyer 500 personnes en Turquie le 4 avril, sauf problème de dernière minute", a affirmé cette source à l'AFP.
Le 4 avril "est le jour cible" pour le lancement de l'application de l'accord, a indiqué à Bruxelles la porte-parole de la Commission européenne pour les questions migratoires, Natasha Bertaud, mais sans confirmer de chiffres.
L'accord ouvre au renvoi en Turquie de toute personne arrivée irrégulièrement en Grèce après le 20 mars, y compris les demandeurs d'asile syriens, avec en contrepartie la "réinstallation" dans l'UE depuis la Turquie d'un Syrien pour chaque compatriote renvoyé, dans la limite maximale de 72.000 places.
Outre les "retours physiques", "les réinstallations physiques devraient aussi commencer dès lundi", a indiqué une source européenne.
La partie grecque restait toutefois prudente sur l'ampleur des renvois projetés, alors que le pays attend le déploiement de 2.300 agents européens pour orchestrer la mise en oeuvre de l'accord.
"La Grèce n'exclut pas qu'il y ait lundi le retour de quelques migrants (...) mais la procédure doit encore être standardisée", a indiqué une source gouvernementale.
Il s'agira d'un "signal fort" pour couper la route migratoire égéenne, a insisté sur la radio publique Ert le ministre adjoint à la Défense grec, Dimitris Vitsas.
Renvois de Lesbos ou Chios?
Les modalités des renvois sont en train d'être finalisées entre les autorités turques et grecques avec le soutien du commissaire européen aux questions migratoires, Dimitris Avramopoulos, a précisé Mme Bertaud. Le commissaire doit se rendre à Ankara lundi.
"L'UE doit renforcer sa pression sur la Turquie pour qu'elle aussi soit totalement prête", a souligné M. Vitsas.
Le Haut commissariat des Réfugiés de l'ONU (HCR) sera pour sa part "très vigilant à ce que l'accès aux procédures d'asile soit respecté et qu'aucune personne ne puisse être renvoyée sans avoir eu accès à cette procédure", a souligné son représentant à Athènes, Philippe Leclerc.
Pour encadrer légalement l'opération, très contestée par le HCR et les ONG, le Parlement grec doit se prononcer vendredi sur un projet de loi qui précise les modalités des renvois pour les demandeurs d'asile, et renforce les services d'asile grecs.
Selon le gouvernement grec, les renvois se feront à bord de bateaux de l'Agence de surveillance des frontières européennes (Frontex), dans un premier temps vers le port de Dikili, près d'Izmir, sur la côte occidentale turque.
En toute logique, l'opération devrait être lancée à partir des îles de Lesbos ou de Chios, en Egée, principales entrées en Europe de l'exode enclenché en 2015, et où se trouvent en rétention la plupart des migrants arrivés après le 20 mars.
Les autorités turques s'apprêtent pour leur part à installer à Dikili un "centre de réadmission" pour les renvoyés, a rapporté le quotidien turc Hurriyet. Selon ce journal, les retournés seront ensuite renvoyés sous 24 heures dans d'autres centres d'accueil à travers la Turquie.
Depuis l'accord UE-Turquie, l'afflux sur les îles grecques a été réduit mais les arrivées continuent de se compter par centaines. Entre mercredi et jeudi, 377 ont été enregistrées, contre 766 sur les 24 heures précédentes.
Après la fermeture de la route des Balkans fin février, quelque 50.000 exilés non soumis à l'accord UE-Turquie restent par ailleurs bloqués en Grèce.
Jeudi, ils étaient 11.300 dans le camp de fortune d'Idomeni, à la frontière avec la Macédoine, et 5.700 au Pirée, deux sites que les autorités grecques tentent de vider en convaincant ceux qui s'y trouvent de gagner des centres d'accueil dans le pays.
31 mars 2016,John HADOULIS
Source : AFP