Dans le nord de la France, à l'écart du vaste bidonville de Calais où s'entassent des milliers de migrants, des centaines de clandestins vivent discrètement dans de micro-campements dans l'espoir de rejoindre plus facilement la Grande-Bretagne.
Le long de l'autoroute reliant Lille à Dunkerque, à Steenvoorde, commune de 4.000 habitants, une centaine de Soudanais et d'Erythréens vivent sous des tentes, au milieu d'un champ boueux, à côté de quelques vaches.
Comme la plupart des autres camps de la région, ce camp se situe à proximité d'une aire de repos où des camions stationnent: la nuit tombée, les migrants tentent de grimper dans les poids-lourds pour rejoindre l'Angleterre, qu'ils considèrent comme un eldorado.
En marge du bidonville de Calais, "il y a moins de surveillance, les migrants peuvent plus facilement monter dans des camions sans être repérés. En se dispersant, ils multiplient leurs chances de rejoindre l'Angleterre", explique Michel Janssens, de Médecins Sans Frontières (MSF).
Mais s'il est plus facile de s'embarquer clandestinement dans un véhicule en amont de Calais, traverser la frontière "devient de plus en plus difficile" aujourd'hui, le port de Calais s'étant transformé en véritable forteresse, affirme le président de l'association Terre d'Errance, Damien Defrance.
Selon lui, certains migrants s'éloignent aussi de Calais pour "fuir la violence", même si les mini-camps n'échappent pas à la pression des passeurs.
A Norrent-Fontes par exemple, une commune bordée par l'autoroute reliant Reims à Calais, les nouveaux arrivés doivent s'acquitter d'un droit d'entrée pour s'installer dans ce camp où vivent 250 migrants, explique Nan Suel, de Terre d'Errance, bénévole sur ce campement.
Désormais "dès qu'une expulsion est annoncée à Calais, on constate une augmentation de migrants", rapporte Nan Suel. Le démantèlement en mars de la partie sud de la "Jungle" de Calais, immense bidonville où vivent au total entre 3.700 et 7.000 migrants, a entraîné l'arrivée d'une cinquantaine de migrants à Norrent-Fontes.
'Des camps de Dieppe à Zeebruges'
L'éparpillement des migrants est un phénomène craint par les associations.
Les micro-bidonvilles ne bénéficient pas du même suivi en matière de soins que dans la "Jungle" de Calais où s'activent de nombreux bénévoles, souligne Raphaël Etcheberry, de MSF.
A l'annonce du démantèlement de la partie sud de la "Jungle", les associatifs avaient alarmé les autorités sur ce risque. Mais pour l'heure, ni la préfecture, ni les associations ne font état d'une explosion de la population dans ces mini-camps.
"Sur les 3.500 personnes que les associations avaient recensées dans la zone sud à Calais, nous estimons qu'environ 300 sont parties dans d'autres camps, la plupart sont allées dans la partie nord du campement", affirme Christian Salomé, de l'Auberge des migrants.
Toutefois, "personne n'a intérêt" à parler de la multiplication des camps, admet François Guennoc de l'Auberge des migrants.
"Ni le gouvernement: ce serait avouer que la démolition de la partie sud n'a pas eu l'effet escompté et que les propositions de l'Etat ne conviennent pas. Ni du côté des associations: on ne veut pas faire de la publicité pour ces camps car la police pourrait les déloger", concède-t-il.
Mais, "ce qui est sûr, c'est le constat d'un phénomène nouveau: le départ des migrants pour la Normandie et la Belgique" avec le même mode opératoire consistant à s'embarquer sur un camion aux abords des ports. "Des camps de migrants, il y en a maintenant de Dieppe à Zeebruges", ajoute-t-il.
En outre, ces camps ne sont pas à l'abri d'un démantèlement: en novembre dernier, le mairie de Téteghem a exigé l'évacuation - effective depuis - de 250 migrants installés sur cette petite commune du nord, et en mars la justice a ordonné à une quinzaine de migrants installés sur un terrain appartenant aux chemins de fer français à Chocques de quitter les lieux avant fin avril.
01 avr. 2016,Zoé LEROY
Source : AFP