Le processus a sans doute été accéléré en raison de l’actualité et des attentats terroristes, qui ont aussi posé la question de l’intégration ratée d’une partie de la jeunesse d’origine étrangère. Le gouvernement belge a, en tout cas, adopté dans la hâte et avec une certaine discrétion, mercredi 30 mars, des dispositions concernant les nouveaux arrivants. Elles sont présentées comme parmi les plus restrictives en Europe et pourraient entrer en vigueur à la fin de l’année.
Le texte obligera tout étranger désireux de résider durant plus de trois mois dans le royaume à signer un document indiquant sa volonté de s’intégrer en échange du droit à s’établir. Ces dispositions ne s’appliqueront toutefois pas aux réfugiés, aux étudiants ou aux citoyens de l’Union européenne. Les demandeurs d’asile seront invités à le signer, mais ne peuvent y être contraints puisque, si leur requête est acceptée, ils ne peuvent être renvoyés vers leur pays d’origine.
Le texte obligera tout étranger désireux de résider durant plus de trois mois dans le royaume à signer un document indiquant sa volonté de s’intégrer en échange du droit à s’établir.
La déclaration, élaborée par le secrétaire d’Etat à la migration, Theo Francken, membre de l’Alliance néoflamande dirigée par Bart De Wever (N-VA), s’appuie sur les travaux d’un juriste et philosophe, Etienne Vermeersch, qui a traduit en attentes concrètes les valeurs, les normes, les droits et les devoirs au sein de la société occidentale. Le texte interroge notamment les étrangers qui réclament le droit de s’établir sur leurs éventuelles sympathies pour les organisations terroristes.
L’objectif plus général est résumé par l’éditorialiste du quotidien De Standaard, qui souligne que « beaucoup de choses ont mal fonctionné en cinq décennies de migration ». « Il y a eu du laxisme dans la lutte contre des comportements inacceptables, mais aussi un aveuglement sur les mécanismes d’exclusion », écrit Bart Sturtewagen.
Revendication de longue date de la N-VA
Les nouvelles dispositions s’appliqueront à près de 80 % des nouveaux arrivants, et notamment à ceux qui entendent bénéficier du regroupement familial. Elles concernent également ceux qui demanderont une prolongation de leur titre de séjour : l’Office des étrangers vérifiera leur connaissance d’au moins une des langues nationales, le fait qu’ils aient, ou non, suivi un parcours d’intégration ou une formation, qu’ils aient un emploi, etc. Leur éventuel passé judiciaire sera aussi pris en compte.
« Je comprends et j’accepte que, dans ce pays, l’usage de la violence contre une autre personne, contre une épouse ou des enfants, soit punissable. »
Concrètement, le premier chapitre du texte énumère les droits de l’homme, les libertés fondamentales et les principes démocratiques (liberté d’expression, liberté de croyance, égalité entre les sexes, etc.) que devra respecter le demandeur. La déclaration fait mention de la nécessité d’éduquer et d’élever les enfants « de la meilleure manière » et interdit les mariages forcés. Il bannit également les violences intrafamiliales en invitant l’étranger à déclarer : « Je comprends et j’accepte que, dans ce pays, l’usage de la violence contre une autre personne, contre une épouse ou des enfants, soit punissable. »
Le demandeur est, par ailleurs, encouragé à « pourvoir lui-même à ses besoins » et averti que, s’il n’accomplit pas les efforts suffisants pour y parvenir, il verra son titre de séjour menacé.
Le couplage entre droit de séjour et volonté d’intégration était, de longue date, une revendication de la N-VA. Les partis francophones, y compris le Mouvement réformateur du premier ministre Charles Michel, s’y opposaient avec plus ou moins de force, comme le parti chrétien-démocrate flamand CD&V.
En 2010, le gouvernement fédéral avait déjà révisé les lois sur le regroupement familial et sur l’acquisition de la nationalité, tandis que la Flandre – imitée récemment par la Wallonie – mettait en place un parcours obligatoire d’intégration.
01.04.2016, Jean-Pierre Stroobants
Source : LE MONDE