samedi 23 novembre 2024 09:57

Au Liban, les sans-papiers syriens contraints de vivre dans l'ombre

De nombreux réfugiés syriens au Liban estiment que leurs vies sont au point mort depuis que Beyrouth a adopté une série de nouvelles mesures rendant presque impossible l'obtention ou le renouvellement de leur permis de séjour.

Un peu plus de la moitié des réfugiés syriens au Liban ne dispose pas de permis de résidence, selon l'ONU. Conséquence : de plus en plus de nouveaux nés ne sont pas enregistrés auprès des autorités.

Cantonnés dans leurs quartiers par peur de se faire arrêter, ils sont dans l'incapacité de travailler.

Les enfants comme Hussein, 14 ans, ont abandonné l'école pour devenir les principaux gagne-pain des familles vivant dans des camps misérables comme Chatila, dans le sud de Beyrouth.

"Je vis dans la peur. Si je décide de quitter le camp, je ne suis pas sûr d'y revenir", confie le père de Hussein, Walid al-Adl, dont le permis de séjour a expiré.

Chaque jour, cet homme de 49 ans envoie son fils vendre des sucreries cuites au four. "Hussein a moins de chance d'être arrêté. Que pouvons-nous faire d'autre pour gagner notre pain quotidien?", lance Walid, dont le visage marqué témoigne d'une vie anxieuse.

Comme les autres camps de réfugiés palestiniens au Liban, Chatila est progressivement devenu un quartier exigu abritant des familles pauvres et des milliers de réfugiés syriens. Géré par des factions palestiniennes, les forces de sécurité libanaises ne s'y aventurent pas, en faisant un foyer idéal pour les Syriens vivant cachés.

Avec plus d'un million de réfugiés syriens et 450.000 palestiniens enregistrés sur son territoire, le Liban, qui compte à peine 4 millions d'habitants, connait la plus grande concentration de réfugiés au monde.

Dans ce petit pays méditerranéen, les Syriens sont considérés comme étrangers et non comme réfugiés. Contrairement aux autres nationalités, ils doivent fournir un justificatif de domicile et payer chaque année une taxe de 200 dollars (178 euros) pour pouvoir résider au Liban.

"Compte tenu de la baisse des ressources personnelles, les coûts de renouvellement des frais sont prohibitifs pour la plupart des réfugiés", explique à l'AFP Matthew Saltmarsh, du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

"Selon nos enquêtes, 56% des réfugiés n'avaient pas de titre de séjour valide fin mars 2016", ajoute-t-il.
Pour Radiya Ahmed, 23 ans et mère de deux enfants, payer la cotisation annuelle est presque inimaginable.
Contre des tâches simples - travailler dans un orphelinat, faire la plonge - son mari gagne 500.000 livres libanaises (265 euros) par mois. "Cela couvre à peine le loyer, et nous avons deux enfants à nourrir. Comment pouvons-nous payer 300.000 livres pour chacun de nos permis de séjour?", lance-t-elle.

Leur petite fille Fatima risque d'être apatride. "Je ne peux pas aller à Damas pour récupérer le livret de famille. Si je pars, je ne serai pas autorisée à revenir", soupire Radiya.

Selon Layal Abou Daher du Conseil norvégien pour les réfugiés, tous les aspects de la vie des Syriens sont affectés. "C'est comme vivre constamment dans la peur. D'une certaine manière, ils sentent - c'est ce qu'ils disent - qu'ils sont poussés à devenir invisibles", déclare-t-elle à l'AFP.

La Sûreté générale, qui encadre le séjour des étrangers au Liban, rejette les critiques concernant ses règlements.
"Il n'y a pas d'obstacle. Au contraire, nous avons introduit plusieurs mesures visant à faciliter l'obtention du permis de séjour pour les Syriens, compte tenu de la situation humanitaire", se défend un porte-parole de la Sûreté générale à l'AFP.

Mais même pour Fahed, 30 ans, homme d'affaires syrien vivant dans une villa de la ville d'Aley, à une quinzaine de km de Beyrouth, la vie au Liban devient "très difficile".

Ce négociant de matériaux de construction se rendait régulièrement en Turquie pour rencontrer ses clients, mais il n'a pas voyager cette année, son permis de séjour ayant expiré.

L'homme d'affaires, qui roule en Mercedes, admet qu'il a moins de chance de se faire contrôler que des Syriens moins aisés dans les transports en commun. "Mais j'essaye quand même d'éviter les points de contrôle", dit-il.

Nombre de ses amis ont quitté le Liban pour l'Europe en 2015, au moment du pic de la crise des migrants. Mais lui a choisi de rester "pour être le plus proche possible de la Syrie". "Dès que la situation s'améliore, je rentre à la maison".

17 avr 2016

Source : AFP

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