Des réfugiés relégués par l'Australie dans des camps controversés sur des îles du Pacifique seront réinstallés aux Etats-Unis aux termes d'un "accord exceptionnel" avec ce pays, a annoncé dimanche Canberra, en soulignant que sa politique d'intransigeance envers les migrants restait inchangée.
Cet accord pourrait signifier la fermeture prochaine des camps de rétention de l'île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Nauru, minuscule île du Pacifique.
Les "arrangements avec les Etats-Unis donneront aux réfugiés, à la fois sur Nauru et sur Manus, l'occasion d'être réinstallés", a déclaré à la presse le Premier ministre australien Malcolm Turnbull. "C'est un accord exceptionnel. Il ne sera pas reconduit. (...) Notre priorité sera la relocalisation des femmes, des enfants et des familles", a-t-il ajouté.
Au nom de la lutte contre les gangs de passeurs et de la nécessité de dissuader les migrants tentant la périlleuse traversée vers l'Australie, Canberra repousse systématiquement en mer les bateaux tentant de gagner illégalement ses côtes.
Les migrants qui y parviennent - originaires principalement d'Afghanistan, du Sri Lanka ou du Proche-Orient - sont relégués pour des durées indéterminées dans des camps reculés.
Même si leur demande d'asile est jugée fondée, ils ne sont pas autorisés à s'installer sur le sol australien.
Les organisations de défense des droits de l'Homme ont multiplié les rapports pour dénoncer les conditions de détention dans ces camps et le "désespoir absolu" de leurs occupants. Canberra maintient un blackout sur ce qu'il s'y passe et sur ses opérations maritimes.
Le ministre australien de l'Immigration, Peter Dutton, a souligné que l'accord, qui concerne les seuls migrants ayant obtenu le statut de réfugiés, n'était pas un appel à l'immigration et que Canberra allait renforcer ses patrouilles maritimes pour refouler d'éventuels boat-people.
En relevant que l'accord avec les Etats-Unis représentait une "solution à long terme dont il y avait grand besoin", le Haut commissariat des réfugiés de l'ONU (HCR) a souligné que des arrangements devaient être trouvés pour l'ensemble des migrants de Nauru et Manus.
"Cette annonce est pleine de lacunes", a réagi Daniel Webb du Centre légal des droits de l'Homme. "Pas de calendrier, pas de chiffres. Ce chapitre affreux de notre Histoire ne sera clos que lorsque chaque homme, chaque femme, chaque enfant qui souffre aux mains de notre gouvernement sur Nauru et Manus pourra reconstruire sa vie en sécurité. Personne ne peut être laissé sur le carreau".
Selon le Premier ministre austalien, des membres du Département américain de la Sécurité intérieure sont attendus en Australie "dans les prochains jours".
Il n'a pu préciser ni le nombre de réfugiés concernés par l'accord ni confirmer que le texte serait bien appliqué par la future administration du président élu Donald Trump, qui s'est montré très dur envers l'immigration durant la campagne.
En visite en Nouvelle-Zélande, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a confirmé l'existence d'un accord.
"Aux Etats-Unis, nous avons accepté d'évaluer les propositions du Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) concernant les réfugiés qui habitent sur Nauru et en Papouasie-Nouvelle-Guinée".
Selon M. Dutton, les demandeurs d'asile qui se sont vu refuser ce statut vont rentrer chez eux. Les nouveaux boat people ne pourront prétendre à bénéficier de l'accord.
L'Australie avait déjà conclu en 2014 un accord controversé avec le Cambodge, l'un des pays les plus pauvres du monde, pour y envoyer des réfugiés vivant sur Nauru. Mais seule une poignée d'entre eux avaient accepté de s'installer dans ce pays.
Canberra a également passé un accord similaire avec la Papouasie alors que ce pays a décidé il y a quelques mois de fermer le camp de rétention de Manus, fermeture confirmée par Canberra en août.
M. Dutton a dit dimanche, sans autre précision, que Nauru "conservera son statut actuel à jamais". Selon le groupe australien Fairfax Media, Canberra veut fermer les deux camps d'ici 2019.
Au début du mois, le ministère australien de l'Immigration avait déclaré que 675 personnes sur Manus et 941 sur Nauru avaient obtenu le statut de réfugié, sur plus de 2.000 demandeurs.
13/11/2016
Source : AFPa