Cinq jours après la victoire à l'élection présidentielle américaine de Donald Trump, la désignation de Stephen Bannon au poste de stratège en chef a déclenché les critiques des démocrates et des associations de défense des droits civiques tout en confortant les plus extrémistes de ses partisans.
Arrivé en août dans une campagne en difficulté, cette figure de l'"alt-right", la droite "alternative" proche des courants nationalistes et suprémacistes blancs, est devenu en coulisse un soutien précieux. Tandis que certains voulaient "normaliser" le discours du magnat de l'immobilier, l'ultraconservateur l'a au contraire incité à creuser le sillon de la polémique, l'aidant à faire la différence contre Hillary Clinton dans des Etats décisifs.
Au poste de stratège en chef, qui n'est pas soumis à confirmation par le Sénat contrairement aux postes ministériels, l'ancien banquier d'affaires de Goldman Sachs et ex-président du site ultraconservateur Breitbart News est un gage pour l'aile la plus à droite des partisans de Trump et fait figure d'épouvantail à gauche.
La chef de file des démocrates à la Chambre, Nancy Pelosi, a déploré lundi "un signal alarmant" montrant que Trump "se conforme à la vision haineuse et conflictuelle qui a défini sa campagne." "Il ne faut pas édulcorer la réalité, un nationaliste blanc a été nomme stratège en chef du gouvernement de Trump", a-t-elle poursuivi, relayée par nombre de démocrates qui voient en Bannon un champion du racisme et de la misogynie.
Les groupes d'extrême-droite ont à l'inverse salué sa désignation, vue comme la garantie que Trump aura à ses côtés un aiguillon lui rappelant ses promesses de campagne les plus radicales, comme la construction d'un mur à la frontière mexicaine ou des restrictions d'entrée pour les immigrants musulmans.
"Peut-être que 'Le Donald' ne blague pas", a dit à CNN le président du Parti nazi américain, Rocky Suhayda. Le chef de file des mouvements du Ku Klux Klan, David Duke, et le nationaliste blanc Richard Spencer se sont également réjouis de sa nomination. "DES RACISTES, DES ANTISÉMITES"
Dans une interview accordée mardi au New York Times, Stephen Bannon explique sa participation à la mouvance nationaliste par un désir d'endiguer ce qu'il perçoit comme les effets pervers de la mondialisation, mais dit rejeter les tendances "ethno-nationalistes" de certains dans le mouvement. "Ce n'est pas que certaines personnes, à la marge, ne soient pas des méchants - des racistes, des antisémites. Mais ça n'a pas d'importance", balaie-t-il.
Avant de rejoindre Donald Trump, Bannon, âgé de 62 ans, a eu plusieurs carrières qui ont pour certaines contribué à bâtir sa fortune personnelle.
Diplômé de l'université de Virginia Tech, de Georgetown et de la Business School d'Harvard, il a servi pendant quatre ans dans la Marine américaine. Cette expérience, rapporte-t-il, l'a conduit à rejeter les allégeances démocrates de son milieu familial et à devenir un fervent admirateur du président Ronald Reagan.
Banquier à Goldman Sachs, puis patron à partir de 1990 de sa propre société d'investissement spécialisée dans les médias, il détient une part dans les royalties de la série "Seinfeld", dont les abondantes rediffusions lui auraient assuré des retombées de plusieurs millions.
Producteurs de films et de documentaires, il a notamment participé à "Clinton Cash" (2016), film qui accuse le couple Clinton d'avoir concédé des faveurs aux plus gros donateurs de leur fondation de bienfaisance. PATRON DE PRESSE DE L'"ALT-RIGHT"
A la mort en 2012 d'Andrew Breitbart, fondateur du site d'information du même nom, il a repris les rênes de Breitbart News et en a fait la plateforme de choix de l'"alt-right", mouvement qui regroupe ultranationalistes, néo-Nazis, suprémacistes blancs et mouvements antisémites.
Le rédacteur en chef du site à l'époque, Ben Shapiro, a dressé en août un portrait peu flatteur de son ancien supérieur: "Bannon est une personnalité vraiment sinistre", a-t-il estimé. "Il cherchera à détruire quiconque se met en travers de son ambition sans fin et utilisera les plus gros que lui - Donald Trump, par exemple - pour atteindre ces visées."
Quand Steve Bannon dirigeait la publication, on pouvait lire entre autres sur Breitbart News: "la contraception rend les femmes laides et folles", "le politiquement correct protège la culture du viol des musulmans", "Hissez-le haut et fier: le drapeau confédéré proclame un héritage glorieux".
En 1996, son épouse d'alors, Mary Louise Piccard, l'a accusé de violence domestique, déclarant qu'il l'avait saisie par la gorge et par le bras. Les accusations ont été abandonnées, Mary Louise Piccard ne s'étant pas présentée au tribunal.
16 nov 2016, Bill Trott
Source : Reuters