L’Institut national d’études démographiques a étudié les conditions de vie de plus de 20 000 immigrés et descendants d’immigrés
Mieux connaître les conditions de vie des immigrés et de leurs descendants, ainsi que leur intégration dans la société française : c’est le but que ce sont fixé l’Ined et l’Insee dans le cadre de l’enquête intitulée « Trajectoires et origines : enquête sur la diversité des populations en France », dont une première synthèse a été rendue publique mardi 19 octobre.
« C’est la première étude publiée sur cette population depuis dix ans », souligne Cris Beauchemin, chercheur à l’Ined. L’enquête se distingue aussi par la taille de son échantillon – plus de 20 000 personnes interrogées, si besoin avec l’aide d’interprètes, entre 2008 et 2009 – et sa composition.
Si la population des immigrés est en effet « statistiquement » bien repérable dans les recensements, il n’en est pas de même des descendants d’immigrés : français dans 97 % des cas, ces derniers n’apparaissent pas théoriquement dans les statistiques publiques, qui ne peuvent être « ethnicisées ». « Nos travaux ont été très encadrés par la Cnil et par le ministère de la justice, et ont donné lieu à des procédures d’autorisation particulièrement complexes », précise Cris Beauchemin.
L’ascenseur social n’est pas totalement en panne
Sans surprise, l’enquête confirme – avec des chiffres représentatifs à l’échelle nationale – les difficultés particulières dont peuvent être victimes les immigrés et leurs descendants. Dès l’école, les chercheurs constatent que les sorties sans diplôme du système éducatif sont plus nombreuses chez les descendants d’immigrés (13 % contre 8 % pour la population majoritaire), en particulier chez les personnes originaires de Turquie, du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne. En moyenne, les enfants d’immigrés sont moins souvent diplômés du supérieur que la population majoritaire (29 % contre 34 %), même si les filles
tirent globalement mieux leur épingle du jeu.
Les discriminations se poursuivent logiquement sur le front de l’emploi. Ainsi, un immigré du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne a deux fois plus de risques d’être au chômage qu’une personne de l’échantillon majoritaire. Et s’il est moins élevé, le risque pour leurs descendants de se trouver sans emploi est lui aussi « significativement supérieur à celui des natifs ».
L’ascenseur social n’est pourtant pas totalement en panne pour ces catégories de population : les enfants d’immigrés sont plus souvent ouvriers qualifiés que leurs pères ne l’étaient et il leur arrive plus fréquemment d’accéder à des fonctions de cadres.
Quant à l’expérience directe du racisme, ce sont les descendants d’immigrés, et non les immigrés eux-mêmes, qui affirment en avoir été le plus souvent victimes. Ainsi 36 % des descendants d’immigrés disent avoir été la cible de propos ou d’attitudes racistes, alors même qu’étant les plus jeunes de l’échantillon, ils ont une expérience de vie plus courte. « La couleur de peau, puis l’origine et la religion constituent les principales sources de stigmatisation », affirme l’étude.
Le « retour au religieux » de la deuxième génération « peu crédible »
Outre les questions économiques et sociales, l’étude s’est aussi intéressée à de nombreux aspects de la vie privée des immigrés et de leurs descendants, comme les pratiques religieuses. Elle montre que la « mise à distance » de la religion est moindre chez les immigrés et leurs descendants que dans la population majoritaire, en particulier chez les musulmans. Si « parmi la population âgée de 18 à 50 ans (…), près de 45 % de personnes se déclarent agnostiques ou athées, (…) plus des trois quarts des immigrés et de leurs descendants déclarent avoir une religion ».
Non seulement « les proportions de sans-religion sont plus faibles chez les immigrés qui viennent des régions islamisées, poursuit l’étude, mais leurs descendants déclarent plus souvent une référence religieuse que les autres. » La religion joue ainsi un rôle important dans la vie de plus des trois quarts des immigrés du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne et de Turquie. « Il en va de même pour les descendants des immigrés de ces origines, dont la religiosité se situe à un niveau très proche. »
Pour autant, le « retour au religieux » de la deuxième génération semble « peu crédible », ou à tout le moins réservé « à des fractions extrêmement minoritaires des différentes origines ». En effet, les descendants des immigrés de confession musulmane se situent pour la plupart dans la continuité « avec le sentiment religieux familial » et non pas « dans un niveau de religiosité supérieur à celui de leurs parents ».
Dans 65 % des cas, ils se marient avec un Français de souche
Au niveau familial, l’enquête confirme l’importance des couples mixtes, signe d’une certaine ouverture de la société française malgré des pratiques discriminatoires persistantes. Ainsi, « 40 % des immigrés ayant rencontré leur conjoint après la migration vivent en couple avec une personne de la population majoritaire ». C’est particulièrement vrai pour les immigrés originaires d’Asie du Sud-Est et d’Afrique subsaharienne.
Du côté des descendants, la mise en couple avec une personne de la population majoritaire est la règle. Dans 65 % des cas, ils se marient avec un Français de souche. Ceux qui choisissent un conjoint descendant d’un immigré issu du même courant migratoire forment une minorité (9 %).
Ils sont même plus nombreux à former un couple avec une personne originaire d’un autre pays, « ce qui témoigne du degré de diversité culturelle dans lequel les enfants d’immigrés grandissent et rencontrent leur conjoint ».
La vie citoyenne, le logement, le sentiment national font l’objet d’autres chapitres de l’étude, dont les résultats seront approfondis dans les mois qui viennent. Un ouvrage collectif comportant les résultats définitifs de ces travaux est attendu pour 2012.
Source : La Croix