Nouakchott va abriter, les 2 et 3 novembre 2010, un important forum d’échanges et de dialogue sur les migrations: «Regards croisés d’acteurs institutionnels, associatifs et de la recherche». Aux côtés de l’Université de Nouakchott – la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines qui porte cette rencontre – et avec le soutien, autant moral que financier, du CCFD, le GRDR a mobilisé plusieurs de ses partenaires associatifs pour la co-organisation de ce forum.
Il s’agit de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (Mauritanie), La CIMADE, une association française de solidarité internationale, l’Union pour la Solidarité et l’Entraide, du Sénégal, l’institut juridique d’études internationales (Espagne) et Caritas-Mauritanie.
Ces acteurs associatifs envisagent de constituer, en interface active des initiatives européennes – Migreurop, Eu-Nomad, etc. – et mondiale – «Des ponts pas des murs», etc. – un réseau multi-partenarial d’échanges, de capitalisation et de plaidoyer, pour mieux reconnaître la mobilité et les migrations comme une ressource durable, pour des territoires solidaires. Dans les pays du bassin du Fleuve Sénégal comme au Maghreb et en Europe, les universités et centres de recherche sont, également, mobilisés, pour apporter leur éclairage, à partir des travaux réalisés sur cette problématique, lors de ces journées organisées par l’Université de Nouakchott.
Enjeux
La rencontre intervient dans un contexte où, estiment les experts, «les réalités migratoires africaines sont faiblement prises en compte, dans le dialogue politique sur les migrations, que ce soit dans les relations Sud/Sud ou Nord/Sud». L’impact de ces dynamiques migratoires africaines sur le développement solidaire des territoires d’origine et d’accueil est méconnu et leurs apports, à tout point de vue, peu valorisés.
En revanche, les migrations Sud/Nord polarisent l’intérêt et retiennent, au Sud comme au Nord, toute l’attention des Etats, des chercheurs, des associations et des partenaires au développement. Les pays de destination, au Nord, notamment européens, s’organisent et mettent en place un dispositif de gestion dite «concertée» des flux migratoires, tendant, de plus à plus, à la responsabilisation des gouvernements du Sud, à la criminalisation des migrants et reposant sur une conditionnalité, sans cesse plus forte, de l’Aide Publique au Développement dont l’objectif principal serait de «freiner les migrations». Au Sud, les gouvernements doivent, souvent, faire face à ce dialogue déséquilibré et peinent à faire émerger des positionnements politiques correctement adaptés, au niveau national et régional, sur les migrations.
Les acteurs de la société civile ont commencé à se mobiliser sur les questions de migration. Pourtant, à quelques rares exceptions près, ceux-ci sont encore insuffisamment visibles et ne participent que peu, voire pas du tout, au «dialogue politique» sur la migration.
Thématiques variées
Pour aborder ces questionnements dans toute leur richesse et leur complexité, plusieurs thèmes seront traités, à Nouakchott, à travers des présentations introductives à des débats et échanges sur:
Mobilités ouest africaines: Quelles sont les grandes tendances historiques et géographiques des migrations ouest africaines, qu’il s’agisse de mobilités internes ou externes? La finalité est, expliquent les organisateurs, «de décliner le contexte et de pouvoir aborder, lisiblement, les problématiques migratoires sous différents angles – défis, enjeux, valorisations, etc.»
Migrations et développement: quels enjeux pour les territoires? Quelles sont les plus- et moins-values de la mobilité, dans les stratégies de développement des territoires du Sud et du Nord?
Les investigations concernent plusieurs aspects – financiers, économiques, culturels, coopération internationale, insertion, développement, main d’œuvre et emplois, logement, accès aux droits, etc. – mais, aussi, les rôles de divers acteurs locaux, dans l’élaboration des politiques sur les migrations, en particulier, celui des autorités locales.
Comment penser, dialoguer et vivre ensemble? Face au développement des villes, en Afrique, et des échanges, dans le Monde, les problématiques du «vivre ensemble» deviennent quotidiennes, à proximité de chacun. Il semble, de plus en plus, que la mondialisation et les mérites des échanges ne concernent que peu ou prou la mobilité des personnes. Celle-ci, contrairement à celle des biens, fait l’objet d’une volonté de contrôle draconien – comme, par exemple, la nouvelle condition de l’APD européenne – voire d’instrumentalisation, à des fins politiques. Les migrants sont rarement associés aux prises de décisions sur les politiques, les stratégies et les actions dont ils sont, pourtant, au centre. La base de la concertation sur les accords concertés reste encore très étroite et les points d’équilibre sont loin d’être atteints. Le dialogue politique est-il possible?
Les présentations se feront selon la méthode de «regards croisés»: chercheurs, associations, etc. Les débats seront animés par des modérateurs. Une synthèse générale interviendra à la fin de l’atelier: principaux constats, conclusions-clés, recommandations, etc.
Les organisateurs s’attendent à ce que la rencontre de Nouakchott aboutisse à des résultats concrets. Ainsi, les enjeux récents de la migration seront mieux cernés, connus et analysés. Un positionnement commun associatif défini et établi par rapport à la problématique migratoire: perception au Sud, politique migratoire européenne, dialogue politique Nord-Sud, etc. Une stratégie concertée, entre les associations organisatrices, sur la question migratoire, et un plan d’action, opérationnel à minima, élaboré. La mise en place d’une plateforme associative – réseau, coalition – réfléchie, afin de consolider, au Sud comme au Nord – manifeste euro-africain, Eu-Nomad, Migreurop, «Des ponts, pas des murs» – les dynamiques d’échanges et de plaidoyer.
Les participants à cette rencontre sont issus des structures étatiques, coopérations, universités et centres de recherche, associations de développement, des droits de l’Homme, de migrants et d’élus. L’atelier se tiendra en prélude à deux événements, majeurs, qui se dérouleront, à Dakar au Sénégal, en 2011: la troisième réunion ministérielle euro-africaine sur les «migrations et développement» et le Forum Social Mondial.
En ouvrant, pendant deux jours, un espace de débats, d’échanges et de réflexion, sur la problématique migratoire, l’objectif est de contribuer à l’amélioration de la qualité du dialogue sur les migrations, tant dans les relations Sud/Sud que Nord/Sud. Les organisateurs du forum de Nouakchott ont, aussi, le souci de permettre, aux associations organisatrices et à leurs partenaires du Nord, de partager et clarifier les visions, approches et positions sur les migrations et de renforcer les dynamiques, pour un plaidoyer, pertinent et efficace, sur la question.
Les deux premières journées seront, entièrement, consacrées aux échanges, débats et réflexions sur les enjeux et les défis majeurs mis en avant par les travaux de recherche, l’actualité et les expériences de toute une diversité d’acteurs. La troisième journée sera mise à profit, par les organisations de la société civile, pour définir un positionnement commun et élaborer un plan d’action opérationnel.
Source : Le Calame