Italie compte plus de quatre millions et demi d’immigrés en situation régulière, soit 7,2 % de la population*. D’ici à 2050, elle pourrait en compter douze millions. Face à de tels chiffres, peut-on affronter l’épineux problème de l’immigration du seul point de vue de l’ordre public ? N’est-il pas préférable de miser sur l’intégration pour garantir plus de sécurité ? L’intégration des immigrés doit avant tout être considérée comme une nécessité : non seulement elle contribue à la croissance économique et au financement de la protection sociale, mais elle est aussi un facteur de sécurité et favorise une certaine loyauté politique. Cette opinion s’oppose évidemment aux logiques sécuritaires prônées par certains partis de droite qui voient en l’immigration la source de tous les maux et qui préconisent des mesures xénophobes aussi inefficaces que dangereuses. Mettre l’accent sur le binôme intégration-sécurité permet également de s’affranchir de la rhétorique du multiculturalisme, séduisante mais simpliste.
Sous l’influence du parti d’Umberto Bossi [fondateur et dirigeant de la Ligue du Nord, populiste et anti-immigrés], l’Italie a vu s’imposer un modèle assimilationniste qui s’inspire d’un aphorisme rebattu, selon lequel “les immigrés doivent respecter nos lois et nos traditions”. Cette attitude a engendré un assimilationnisme forcé et bancal : l’absence de régularisation représente en effet un frein aux yeux des immigrés, qui doivent renoncer à leur identité culturelle, ethnique et religieuse sans obtenir quoi que ce soit en retour. En France, lieu par excellence de l’assimilationnisme, les immigrés doivent renoncer à leurs particularismes identitaires afin d’obtenir la nationalité française ; en Italie, on leur demande d’y renoncer tout court et sans même discuter.
Ce modèle, essentiellement disciplinaire, imposé par le leader de la Ligue du Nord s’articule sur l’idée de l’ordre public. Formellement assimilationniste, il se fonde sur le droit du sang, ôtant ainsi aux ressortissants étrangers toute chance d’obtenir la nationalité italienne.
Idéologiquement assimilationniste, ce modèle disciplinaire fonctionne, de fait, comme un modèle multiculturel. En stigmatisant les immigrés et en pointant du doigt leurs différences ethniques et religieuses, on renonce à encourager un échange autre qu’économique, ce qui a pour effet d’accentuer les clivages ethniques et identitaires. Nous devons donc être vigilants : prôner l’assimilation mais refuser l’intégration des immigrés peut déclencher une spirale de haine et de violence et provoquer, dans un avenir très proche, de graves problèmes.
Source : Courrier international