Il n’y a pas d’identité figée ad vitam eternam et aujourd’hui encore moins avec le phénomène de la mondialisation. C’est ce qu’a conclu l’historien Mohamed Kenbib au final de son exposé de vingt minutes lors de la conférence sur la diversité culturelle le vendredi 26 novembre à la Bibliothèque nationale de Rabat. Cette rencontre organisée par l’association Marocains pluriels a intéressé plus d’un. L’auditorium de la Bibliothèque nationale à Rabat a affiché complet. Cet historien et professeur à l’université Mohammed V de Rabat a apporté son regard d’expert sur les multiples brassages culturelles qu’a connus le Maroc depuis le V e siècle avant Jésus Christ. Juifs, chrétiens, mauresques, autochtones. Tous ces termes ont été passés en revue pour parler diversité, puisque tel était le thème principal de la conférence. La bérbérisation des juifs, la judaisation des berbères. Les mauresques qui refusaient de prier dans les mosquées des autochtones et qui étaient considérés comme des impies par ces derniers. Mohamed Kenbib n’oubliera pas d’évoquer une autre preuve de diversité inscrite dans l’histoire et qui est pas très ancienne. On l’aura compris il s’agit des familles maroco-vietnamiennes. «Des combattants marocains, des goumiers se sont joints à l’armée vietnamienne pendant la guerre contre les États-Unis, ils se sont mariés à des vietnamiennes et sont rentrés à la fin des années 70 dans plusieurs villes du Maroc», déclare l’historien avant de poursuivre : «Leurs descendants ont pour la plupart immigré en France». L’immigration était également au centre de ce débat sur la diversité culturelle. Younes Ajarai, le président de la commission Culture éducation et identité au Conseil consultatif de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), évoquera, à son tour, l’explosion des flux migratoires. Une explosion qui a a permis la circulation des idées et la confrontation de différentes cultures et religions. «Avec cette explosion des flux migratoires les revendications identitaires sont devenues de plus en plus persistantes», déclare Younes Ajarrai. Ce dernier regrette néanmoins que ces revendications entraînent le repli. «Aujourd’hui, il faut travailler véritablement sur les représentations car la question des identités est véritablement meurtrière». Younes Ajarrai fait allusion ici au débat sur l’identité nationale. «Un débat biaisé puisqu’il est instrumentalisé par les Politiques et qui commence malheureusement à s’étendre à des pays jusque-là épargnés et je cite ici les pays scandinaves». Pour ce président de la commission Culture et identité: «Il faut se connaître mutuellement pour s’accepter avec ses différences, il faut s’accepter dans des ressemblances mais aussi et surtout dans les différences». Autre intervenant qui donnera son point de vue, c’est Driss C. Jaydane auteur du roman Le jour venu. «Il ne faut pas avoir peur des différences». Le mot est lâché par cet écrivain résident en France, être différent n’est pas un crime, tout le contraire c’est même positif. «C’est en étant différent qu’on fabrique le commun». Driss C. Jaydane précise néanmoins: «Lorsqu’on diffère on diffère du commun, un commun qu’on a, soit construit ensemble, soit qu’on est appelé à construire ensemble». Lors de son exposé, Driss C. Jaydane a émis une sorte de conseil aux jeunes de 18 et 20 ans : «Il y a des gens qui veulent nous faire croire que si on ne reste pas les mêmes on va disparaître, alors que c’est le contraire, méfiez-vous donc des professionnels du repli».
Source : Le Soir