mercredi 3 juillet 2024 18:21

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

"La Question migratoire au XXIe siècle", de Catherine Wihtol de Wenden : migration, le droit à la mobilité

Le migrant est devenu un "acteur" de la société mondialisée mais le droit universel à migrer reste à inventer. Il est loin d'avoir acquis un statut de citoyen à part entière et reste, aux yeux des Etats souverains, une personne souvent privée de droits. Le phénomène migratoire apparaît comme "un enjeu dans les relations internationales" mais sa diplomatie est en construction.

Il fallait une chercheuse de la stature de Catherine Wihtol de Wenden pour s'attaquer à la géopolitique des migrations, elle livre là un ouvrage de référence sur des thématiques qui scanderont le débat. L'auteure de La Globalisation humaine (PUF, 2009) embrasse le sujet sur toutes ses coutures, dessinant un état des lieux scientifique et politique de cette question migratoire qui embarrasse tant le découpage de notre monde et renvoie les pays à leurs contradictions.

Avec 214 millions de migrants internationaux "et 740 millions de millions de migrants internes", la migration demeure un phénomène modeste puisqu'elle ne concerne que 3,1 % de la population mondiale. Mais ce nombre a triplé en quarante ans et les migrations qui n'impliquaient que quelques zones géographiques touchent désormais toute la planète avec des pays de départ, des pays d'accueil mais aussi des pays de transit, les frontières entre les trois catégories s'estompant peu à peu.

Le profil des migrants s'est diversifié tandis que les causes des migrations changent elles aussi : les facteurs environnementaux sont ainsi venus s'ajouter à tous les autres. Le droit à la mobilité commence à s'imposer dans un monde où domine la libre circulation des marchandises.

En toute logique, démontre Mme Wihtol de Wenden, la mondialisation des flux "met en échec les frontières nationales" qui sont le symbole même de la souveraineté des Etats. "Si l'on définit la mondialisation comme l'aboutissement de l'internationalisation à un stade de développement où les barrières s'estompent (...) faisant communiquer des réseaux, des solidarités et où les interdépendances sont croissantes, on peut considérer que les flux migratoires sont entrés dans ce processus", écrit-elle. Or, les Etats sont en retard par rapport à ce phénomène, les migrations restant examinées sous l'angle des flux et des capacités d'intégration des migrants.

La citoyenneté est, avec la souveraineté, l'autre concept chahuté par les migrations internationales. "La plupart des pays européens ont été confrontés, dans les années 1990, à de grands débats sur la réforme de la nationalité", rappelle Mme Wihtol de Wenden. Le Canada et l'Australie ont changé leur conception de la citoyenneté en y "introduisant le multiculturalisme". Mais certains de ces migrants souffrent pour les uns de représentation au niveau des Etats et pour les autres d'absence de droits.

Enfin, la gouvernance mondiale des migrations émerge tout juste depuis les années 2000. Avec la création du Forum mondial sur la migration et le développement, dont la première édition s'est tenue en 2007 à Bruxelles en présence de représentants de 156 Etats membres, la migration "est sortie du champ bilatéral pour faire l'objet d'une plate-forme mondiale". Mais cette construction politique, élaborée hors du système de l'ONU, est fragile, aucun Etat ne souhaitant se voir imposer un cadre supranational de régulation. Les transformations politiques liées aux migrations ne font que commencer.

8/12/2010

Source : Le Monde

Google+ Google+