La première rencontre des femmes marocaines d'Europe s'est penchée sur l'étude des problématiques relatives aux migrantes.
Le week-end dernier, à Bruxelles, alors que le mercure marquait des températures par trop basses (entre -2 et -6 degrés) et que la capitale de l'Union européenne était couverte d'un manteau blanc de neige, qui annonce un Noël, semblable à celui représenté dans les cartes postales et des vacances impatiemment attendues, le Conseil de la Communauté marocaine à l'étranger (CCME), lui, vaquait à une occupation des plus sérieuses. Pas de répit pour les défenseurs des droits des femmes immigrées. Ils avaient du pain sur la planche à l'occasion de la première rencontre des femmes marocaines d'Europe.
Cette rencontre, qui a fait suite à deux autres éditions des « Marocaines d'ici et d'ailleurs » organisées à Marrakech en 2008 et 2009, aura permis de rapprocher les femmes migrantes qui vivent en exil mais qui ont la chance de baigner dans deux cultures. « L'objectif de toutes ces rencontres est de faire un état des lieux scientifique de la migration féminine marocaine dans le monde et être aussi un espace d'échange, de rencontre et de partenariat entre toutes ces femmes qui vivent à l'extérieur », explique Amina Ennceiri, présidente du groupe de travail « Approche genre et nouvelle générations » au CCME.
Des femmes qui sont confrontées à des problèmes de discrimination inhérents à leur situation d'immigrée et à leur statut de femmes. Cette inégalité touche aussi bien les simples employées que les cadres supérieurs et freine leur élan alors qu'elles œuvrent pour le développement du pays d'accueil et de leur pays d'origine. « Nous avons une diaspora marocaine très active en Belgique» a avoué Joël le Milquet, Vice-premier ministre et ministre de l'Emploi et de l'égalité des chances, chargée de la politique de migration et d'asile en Belgique. Laquelle diaspora vit les mêmes problèmes que ceux dont souffrent les femmes du pays d'accueil, qui ne sont pas mieux loties. Et la responsable de souligner l'importance des colloques de ce genre dans la mesure où ils réunissent toutes les femmes de l'immigration qui ont des postes de responsabilité.
«Elles ont, dès lors, vécu tous les chemins de la discrimination. Ces femmes d'origine étrangère viennent témoigner et expliquer à quel point on doit renforcer les politiques du genre pour qu'elles puissent accéder à toute la qualification et à la formation auxquelles elles ont droit, qu'elles puissent également accéder à l'emploi sans discrimination, qu'elles soient payées comme les hommes , qu'elles puissent être aidées dans leur vie familiale pour pouvoir assumer leur responsabilité et qu'elles aient la possibilité de prendre des congés et de se retirer du marché du travail pour des congés de maternité tout en étant rémunérées. Bref, qu'elles ne soient pas lésées dans leurs carrières come elles le sont souvent ».
En effet, l'écart salarial entre les hommes et les femmes reste encore élevé en Belgique même si la loi l'interdit. Les femmes continuent de gagner 25% de moins que les hommes. Selon la responsable belge, l'objectif à atteindre est que la gent féminine réussisse à atteindre 75% du taux d'emploi. Pour réaliser ce genre de revendications, oh combien légitimes, il est nécessaire de se doter d'outils susceptibles de garantir cette égalité. Des outils et des stratégies qui doivent être établis au niveau national, en coordination avec les différentes autorités publiques et avec les partenaires sociaux, mais aussi au niveau international. Aussi la communauté européenne a développé une stratégie genre qui s'étale sur 5 ans. Il en est de même pour la Belgique qui a établi un plan de 5 ans, même si ce pays n'a pas de gouvernement pour le moment. Ce plan est axé sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes, et sur la lutte contre la discrimination genre.
Pour leur part, les nombreux intervenants lors de cette rencontre ont mis l'accent sur l'importance du rôle des organismes nationaux et internationaux pour garantir l'égalité et lutter contre la discrimination. Le Maroc, grâce à la vision éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, accorde une importance particulière à la question de la femme. « Aujourd'hui, les femmes exercent dans des domaines, jadis, réservés aux hommes. Les résultats de la démarche volontariste du Maroc sont plausibles. Les femmes occupent de plus en plus de sièges au Parlement. Elles accumulent les acquis grâce à la bienveillance de Sa Majesté (Moudawana, amendement du code de la nationalité, stratégie de lutte contre la violence à l'égard des femmes…», a rappelé Menouar Alem, Ambassadeur permanent de Sa Majesté le Roi Mohammed VI auprès de l'Union Européenne.
A côté des débats autour de la situation de la femme à l'étranger, un vibrant hommage a été rendu à une grande dame des médias vivant en Belgique ; Mme Khiti Ben Hachem, journaliste et productrice marocaine. « Une femme qui a accompagné l'histoire de l'intégration de part en part en Belgique », comme l'a souligné Fadila Laanan, ministre de la Culture, de l'Audiovisuel, de la Santé et de l'Egalité des chances. Suite à ce grand moment d'émotion, une convention-cadre a été signée entre le CCME et l'Université catholique de Louvain en présence de Brigitte Maréchal, représentant le Recteur de cette institution.
Témoin de cette rencontre, Laïla Chahid, déléguée générale de Palestine auprès de l'Union européenne nous a confié : « J'ai eu le plaisir de découvrir un travail remarquable qui est le résultat de la mutation des femmes marocaines. Lorsque j'ai vu la vitalité de toutes ces femmes, j'ai eu un sentiment de fierté parce que j'y ai vu l'évolution du Maroc. Une révolution copernicienne qui se passe à plusieurs niveaux et par une concrétisation sur le terrain. J'ai été impressionnée par le caractère scientifique de leur travail. Je voudrais leur dire que par leur travail, elles contribuent à la construction de la Palestine ». Elles s'érigent ainsi en modèles à suivre.
QUESTIONS À : Driss El Yazami,
Président du CCME
« Il est fondamental que l'agenda de l'égalité avance un peu plus vite »
l bilan faites-vous des éditions précédentes ?
A travers la première et la deuxième édition, nous avons réuni à Marrakech 450 femmes du monde. Cette première rencontre nous a permis de connaitre les principales problématiques spécifiques aux femmes marocaines. Maintenant, nous sommes dans une deuxième phase à savoir celle d'étudier les problèmes spécifiques à chaque région géopolitique où vivent les Marocains. L'autres mérite de ces rencontres est de maintenir le contact et de permettre des rencontres entre les femmes marocaines du Maroc et celles de l'immigration et de voir comment chacune d'elles travaille pour l'égalité et essaie de mettre en place des partenariats.
en est-il de l'image qu'ont les unes des autres ?
Un des objectifs de cet événement est de changer les images que les unes ont des autres. Souvent, les femmes de l'immigration pensent que rien ne bouge au Maroc et celles du Maroc ont parfois des images fausses des femmes de l'immigration. Ces rencontres permettent de voir que des deux côtés, les femmes sont en mouvement. Et donc c'est un espace d'échange mais également de concentration des forces pour établir ce que j'appelle un agenda de l'égalité. Il est fondamental que cet agenda avance un peu plus vite.
Concrètement, qu'est ce qui a été réalisé à l'issue de toutes ces rencontres ?
Le CCME va publier bientôt son premier rapport stratégique qui porte sur la question de la féminisation de l'immigration et des conséquences de cette féminisation. Nous sommes en train de finaliser plusieurs avis consultatifs puisque nous ne sommes ni une agence exécutive ni un ministère. Nous sommes un conseil consultatif.
Nous préparons donc nos avis et nous les soumettons à Sa Majesté. Ces rencontres nous permettent de mieux les calibrer et de mieux les préciser pour qu'ils soient aussi éclairés par la recherche scientifique.
Source : Le Matin