La communauté arabe installée en Espagne constitue un collectif quasi invisible et silencieux. Pour diverses raisons, elle est peu représentée dans le tissu économique, dans la gestion des affaires publiques ou dans la production littéraire. Bien qu’elle compte 841.513 membres, dont 91,24% sont d’origine marocaine selon les statistiques officielles espagnoles actualisées au 16 novembre dernier, elle est principalement composée d’une immigration économique, dans sa majorité peu qualifiée. Pourtant, au plan diplomatique, les relations entre le monde arabe et l’Espagne sont anciennes. Elles sont aussi très fluides et diversifiées pour embrasser l’ensemble des camps de la coopération. D’une part, l’Espagne accorde un intérêt particulier au monde arabe eu égard à un patrimoine culturel commun, à sa politique équilibrée adoptée à l’égard du conflit palestino-israélien et la proximité géographique à travers son voisinage immédiat avec le Maroc. D’autre part, elle abrite des représentations diplomatiques au niveau d’ambassadeurs de la plupart des pays arabes accrédités à Madrid. A ce titre, la mission de la Ligue des Etats Arabes dans la capitale espagnole est l’une des plus anciennes à l’étranger de cette organisation régionale.
Eu égard à la forte présence diplomatique arabe, cette mission assume un rôle de coordination de l’action arabe sur le plan politique par le biais d’un conseil des ambassadeurs arabes qui se réunit chaque mois à son siège. Le rôle de ce conseil consiste à faire, d’une part, le suivi des relations arabo-espagnoles, et d’autre part, de traiter de la situation en Palestine à la lumière du rapport mensuel élaboré et présenté à cette fin par l’ambassadeur palestinien. Ces deux points sont « permanents à l’ordre du jour » du conseil, a expliqué dans un entretien à Al Bayane, Hassine Bouzid, chef de cette mission.
Outre l’aspect diplomatique des relations bilatérales, cet ex-ambassadeur au Brésil et ex-secrétaire général du ministère des affaires étrangères de Tunisie, précise qu’en aucun cas « la mission interfère dans les activités des ambassades ou dans les relations bilatérales entre Etats. Il qualifie, cependant, de fructueuses les relations entre le peuple espagnol et la nation arabe grâce au renforcement des liens culturels et la promotion d’actions et initiatives communes avec les gouvernements des Communautés Autonomes Espagnoles (régions), surtout celles qui fourmillent de monuments de l’époque d’Al Andalous. Des visites des diplomates arabes sont organisées pour connaître in situ dans ces régions les opportunités de coopération dans les domaines, économique, social ou culturel.
Soucieux de la situation de la communauté arabe en Espagne, la plus nombreuse après la latino-américaine (1.458.442 membres, 30,67% du total des étrangers), cet économiste de formation et ex-étudiant à l’Institut du Fonds Monétaire International (FMI), déplore la difficile conjoncture que traverse les immigrés en Espagne, dont près de 35% sont en chômage.
Dans une récente étude, diffusée fin septembre, 47% de la population active marocaine en Espagne étaient sans emplois (dont plus de 60% ont moins de 25 ans). Le nombre d’affiliés marocains à la Sécurité Sociale a également baissé en 2010 de manière qu’au 30 novembre dernier 216.943 parmi eux cotisaient à cet organisme contre 233.484 en 2009 (Algériens: 14.619; Mauritaniens: 3.155; égyptiens: 877 en 2009). Bien que les affaires de chaque communauté arabe soient gérées par ses propres acteurs, la Ligue Arabe des Etats Arabes réserve un intérêt particulier à l’immigré, comme en témoigne la tenue, il y a un mois au Caire, du Premier Congrès de la Colonie Arabe à l’étranger, dont les recommandations seront débattues au prochain sommet des Chefs d’Etat arabes. De même, en coordination avec le conseil des ambassadeurs, une «journée de l’immigré arabe» est organisée chaque année depuis 2004 dans le but de maintenir les contacts avec les représentants des colonies arabes installées en Espagne.
En général, la communauté arabe est confrontée aux mêmes problèmes que le reste des collectifs étrangers, particulièrement les difficultés d’accéder à un emploi stable, observe Hassine Bouzid qui plaide pour une intégration positive de l’immigré arabe à la société d’accueil. « Nous encourageons l’intégration sur la base de l’attachement de l’immigré arabe à ses origines, à sa patrie et à son identité tout en s’adaptant au nouvel environnement socioprofessionnel du pays d’accueil », a-t-il soutenu. Pour cela, a-t-il noté, l’Espagne est appelée à maintenir sa politique d’ouverture et d’appui des colonies d’immigrés en les faisant bénéficier des mêmes avantages sociaux et conditions de travail que ses nationaux. L’immigré arabe est appelé à son tour à préparer les conditions de retour dans son pays d’origine pour garantir une meilleure réinsertion sociale.
Comme tout arabe, il a, enfin, émis l’espoir que sur le plan politique la question palestinienne sera résolue. « Nous avons beaucoup de déceptions à cause surtout de l’échec des négociations, directes ou indirectes, qui n’ont pas abouti à cause précisément de l’entêtement des israéliens», a-t-il déploré soulignant toutefois la reconnaissance récemment par des Etats d’Amérique Latine de l’Etat palestinien. A ce titre, il a souhaité que «l’Espagne reconnaisse à son tour l’Etat palestinien en 2011, que ce soit dans le cadre de l’Union Européenne ou bien dans un cadre bilatéral».
Les entraves qui se plantent devant une grande visibilité de la communauté arabe sont inhérentes à l’absence d’un modèle migratoire espagnol. En comparaison avec d’autres pays de son entourage européen, il est encore prématuré de voir des étrangers présenter des télé-journaux, siéger au conseil des ministres ou diriger une grande municipalité.
Source : Al Bayane